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Un succès inattendu de la coopération en matière de riziculture : L'inclusion des femmes

20 septembre 2022

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À gauche : M. TOMITAKA Motonori, ancien conseiller senior (développement de l'agriculture),
Agence japonaise de coopération internationale
À droite : Mme TANAKA Yumiko : conseillère senior en genre, département de la gouvernance
et de la consolidation de la paix, Agence japonaise de coopération internationale.


1. Pourquoi l' « inclusion du genre » dans un projet de riziculture ?

« Dès le départ, j'ai pensé que si les rendements de riz augmentaient, le projet serait une réussite » déclare M. TOMITAKA Motonori, ancien conseiller senior (développement de l'agriculture) pour l'Agence japonaise de coopération internationale, (ci-après dénommée « JICA »), qui a œuvré à l'amélioration de la riziculture dans les pays africains. « Mais nous nous sommes rendu compte que ce que nous essayions vraiment d'atteindre était le bonheur et le bien-être des personnes et que cela nécessitait une approche plus large, y compris la promotion de l'égalité des genres. »

M. Tomitaka était arrivé en Tanzanie en 2007 en tant qu'expert de la coopération technique pour le soutien des systèmes de prestation de services de l'agriculture irriguée dans le cadre du programme de développement du secteur agricole (ci-après dénommé «TANRICE »), qui a été menée de 2007 à 2012, pour aider les riziculteurs à augmenter leurs rendements. C'était sa troisième mission de long terme en Tanzanie.

« Lorsque dans les années 1990, j'ai travaillé pour le projet du Centre de formation agricole du Kilimandjaro (KATC), qui a précédé le projet TANRICE, nous demandions aux hommes qui y participaient comment les choses se déroulaient et ils répondaient : ‘'Tout va pour le mieux, les rendements augmentent, aucun problème''. Mais ce n'était vrai qu'en partie. »

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M. Tomitaka confie qu'au milieu du projet KATC, ils se sont rendu compte que plus de 60 % des travaux agricoles étaient réalisés par les femmes. « Nous avions posé la même question aux femmes et nous avions entendu une réponse très différente. Elles nous ont rapporté la dureté du travail et les nombreux problèmes existants. »

« Nous avons pris conscience de l'importance d'intégrer une perspective de genre dans les projets afin de renforcer leur efficacité en nous appuyant sur les leçons tirées des projets précédents » se souvient M. Tomitaka. Selon la tradition, la plupart des agriculteurs impliqués dans les projets agricoles étaient des hommes.

Cette expérience a mis en lumière la nécessité de prendre en compte la perspective de genre dans la phase 2 du projet KATC (2001-2006) et dans les projets qui ont suivi, tels que TANRICE, TANRICE2 (2012-2019) et d'autres encore, et a permis notamment une participation égalitaire des femmes à la formation sur la riziculture.

M. Tomitaka reconnaît que l'approche consistant à inclure les femmes dans les formations sur la riziculture a contribué à un impact positif, tant sur la production de riz que sur les communautés locales.

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Les participants au séminaire sur le genre ont visité le système d'irrigation de la ville de Lower Moshi.
(Photo appartenant à M. TOMITAKA Motonori)


2. Comment l'« inclusion du genre » peut-elle être une composante clé d'un projet de riziculture ?

Mme TANAKA Yumiko, conseillère senior en genre pour la JICA, explique que la décision de promouvoir l'« inclusion du genre », une approche visant à élaborer des politiques soucieuses des préoccupations et des intérêts des femmes et des hommes, a nécessité un changement de mentalité de la part de tous les participants au projet.

Dans les années 1990, avant la création du premier bureau de la JICA pour l'égalité des genres, les mesures en faveur de l'égalité des genres et de l'autonomisation des femmes étaient trop peu prises en compte dans la plupart des projets de la JICA.

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« La majorité des agronomes japonais étaient des hommes, de même que l'ensemble des participants au projet », se souvient-elle. « Les femmes étaient considérées par tous comme de simples mères au foyer, bien éloignées de la culture du riz. Mais en réalité, il s'agissait des épouses et des filles qui avaient la charge de la plupart des travaux agricoles.»

La campagne pour l'égalité des genres et la transformation des rôles stéréotypés de genre dans le projet en Tanzanie est due en partie aux recherches effectuées par Mme Tanaka sur le secteur agricole local.

Durant les sessions de formation des agriculteurs, les résultats d'études sur l'emploi du temps affichés sur les murs montraient clairement que les femmes étaient impliquées dans la riziculture et qu'elles travaillaient plus dur et plus longtemps que les hommes.

Pourtant, les femmes n'avaient aucun pouvoir de décision dans leur foyer ou au sein de leur communauté.

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Atelier sur le genre en Tanzanie (Photo appartenant à Mme TANAKA Yumiko)

La riziculture irriguée demande un savoir-faire technique. Les parcelles de rizières doivent être nivelées avec précision, les infrastructures d'irrigation construites et entretenues et les droits à l'eau gérés par les nombreuses communautés et personnes concernées.

Pourtant, les femmes n'avaient aucun pouvoir de décision dans leur foyer ou au sein de leur communauté. « Si vous formez uniquement les hommes, une grande partie des informations et des savoir-faire ne parvient jamais aux personnes qui en ont vraiment besoin, à savoir, les femmes, » rapporte Mme Tanaka.

D'autres aspects du projet ont profité d'une approche plus inclusive, y compris apprendre à gérer le budget familial et la gestion financière.

« Seuls environ 10 % des agriculteurs tanzaniens tiennent à jour leur comptabilité et enregistrent notamment les dépenses et des revenus liés à leur exploitation » précise Mme Tanaka. L'un des objectifs du projet était de développer l'acquisition des compétences et de nouvelles habitudes, tout en encourageant les maris et les femmes à travailler ensemble.

« Trop souvent ce sont les femmes qui font le travail et les hommes qui dépensent l'argent-pas toujours de façon avisée, » souligne Mme Tanaka. « L'implication des femmes a tendance à changer cela. »

3. De l'appropriation par les Tanzaniens vers l'inclusion du genre et la riziculture

Mme Tanaka et M. Tomitaka partagent la conviction que l'appropriation par la population tanzanienne est la clé de la réussite de TANRICE et TANRICE 2 avec l'intégration d'une perspective de genre. L'inclusion du genre n'a pas été une idée venue de l'étranger et imposée à la Tanzanie par le Japon-pays qui, lui-même, encourage aujourd'hui l'autonomisation des femmes dans la société.

« Réaliser l'égalité des genres et l'autonomisation des femmes est un objectif tanzanien » insiste Mme Tanaka. « Il existe en Tanzanie un ministère du Développement communautaire, du genre, des femmes et des groupes spéciaux qui accorde une priorité élevée, dans ses politiques et stratégies nationales en matière de genre, à l'égalité entre les sexes, l'autonomisation des femmes et l'inclusion des jeunes. Nous avons seulement étendu le concept, qui tendait à se concentrer sur les secteurs de l'éducation et des soins de santé, à ce domaine précis qu'est l'agriculture. »

« L'appropriation par le ministère de l'Agriculture, de la sécurité alimentaire et des coopératives (alors), partenaire du projet, était également considérable, » remarque M. Tomitaka. « Le gouvernement tanzanien n'a pas seulement affecté des chercheurs, des instructeurs en agriculture et des agents de promotion aux activités rizicoles de TANRICE, il a aussi financé environ 60 % des coûts de l'organisation de cours de riziculture pour 40 systèmes d'irrigation.

Cette approche coopérative et de soutien mutuel est de longue date le principe de base de l'engagement japonais en Afrique. La TICAD met l'accent sur « l'appropriation et le partenariat », y compris l'importance du leadership local africain, en particulier celui des femmes, un thème qui sera au cœur de la prochaine TICAD8 organisée par la Tunisie en août 2022. Ce sera la seconde fois que le continent africain accueille l'événement, dont la sixième édition, la TICAD VI s'était tenue au Kénya en 2016.

Une approche que Mme Tanaka retrouve dans la dynamique de promotion de l'égalité des sexes dans le cadre de TANRICE.
« Le Japon, la Tanzanie et le monde entier progressent ensemble sur cet enjeu. »

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Formation à la gestion financière en Tanzanie (Photo appartenant à Mme TANAKA Yumiko)

4. Un appui solide du Japon à la riziculture en Afrique depuis les années 1970

Le Japon soutient la riziculture en Afrique depuis les années 1970, avec comme point d'ancrage la région du Kilimandjaro en Tanzanie. À partir de ce moment, le Japon a progressivement étendu les projets de riziculture à l'ensemble du pays puis du continent.

Une initiative remarquable menée actuellement par le Japon pour le développement de la riziculture en Afrique est la Coalition pour le développement de la riziculture en Afrique (ci-après dénommée « CARD ») (2008-2018), un cadre collaboratif impliquant 23 pays africains ainsi que des organisations internationales.

Elle a été annoncée en 2008 lors de la quatrième conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (TICAD IV) à Yokohama. Le but de cette initiative était de doubler la production de riz en Afrique subsaharienne. De fait, au cours de la phase 1, la cible qui prévoyait de passer de 14 millions de tonnes par an en 2008 à 28 millions de tonnes par an en 2018 a largement été atteinte.

TANRICE, le projet de soutien au développement de l'industrie du riz en Tanzanie (TANRICE2 : 2013-19) et d'autres projets et interventions liés au riz en Tanzanie, ont permis à la CARD d'atteindre son objectif. La production des rizières en Tanzanie a été multipliée par 2,4 au cours de la décennie, passant de 1 420 570 tonnes en 2008 à 3 414 815 tonnes en 2018 selon la FAOSTAT.

En 2019, la phase 2 de la CARD a été lancée lors de la TICAD7, élargissant son champ d'application pour couvrir 32 pays au total et visant à doubler la production de riz en Afrique subsaharienne de 28 millions de tonnes par an à 56 millions de tonnes par an d'ici 2030 grâce à l'approche RICE (résilience, industrialisation, compétitivité et autonomisation). La mise en œuvre de la phase 2 de la CARD contribuera à renforcer davantage la sécurité alimentaire de l'Afrique, aujourd'hui menacée par des chocs externes tels que la crise ukrainienne.

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Le moissonnage mécanisé des rizières est plus rapide, plus propre et moins cher que la main d'œuvre.
(Photo appartenant à M. TOMITAKA Motonori)