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Vers la TICAD8 : Renforcer la sécurité humaine au Sahel pour consolider la paix

20 septembre 2022

La région du Sahel en Afrique est une bande semi-aride d'environ 5 000 kilomètres de longueur à l'extrémité méridionale du désert du Sahara. La région, qui couvre la Mauritanie, le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigéria, le Cameroun et le Tchad, est l'une des zones les plus conflictuelles et les plus pauvres du continent.

L'Agence japonaise de coopération internationale (JICA) mise sur le renforcement des communautés et de la sécurité humaine au Sahel, qui fait face à des menaces telles que le changement climatique, les insurrections et le crime organisé.


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À gauche : M. MUROTANI Ryutaro, directeur principal du bureau de la consolidation de la paix,
département de la gouvernance et de la consolidation de la paix à l'Agence japonaise de
coopération internationale
À droite : Mme DOHI Yuko : conseillère senior en gouvernance et consolidation de la paix,
département de la gouvernance et de la consolidation de la paix à l'Agence japonaise de
coopération internationale.

« La consolidation de la paix vise à éliminer les conflits et la violence et à prévenir leur récurrence. À cette fin, la JICA entend accroître la résilience et réaliser la sécurité humaine en renforçant la confiance entre les autorités et les communautés locales ainsi qu'au sein des communautés locales, » déclare MUROTANI Ryutaro, directeur principal du bureau de la consolidation de la paix, département de la gouvernance et de la consolidation de la paix de la JICA.

Sa collègue DOHI Yuko, conseillère senior en gouvernance et consolidation de la paix à la JICA, ajoute que l'atteinte de ces objectifs appelle une approche holistique - ce que le forum de la TICAD permettra de concrétiser en offrant au Japon et aux organisations internationales une plate-forme afin de se réunir et de partager des informations et des idées.

Tous deux notent que même si l'amélioration de la sécurité est une préoccupation immédiate - la JICA a contribué au développement des capacités des agents de police avec les opérations de maintien de la paix des Nations unies au Mali - une stratégie plus durable serait de permettre aux gouvernements et aux communautés d'améliorer la gouvernance locale et la résilience des communautés pour renforcer la sécurité humaine.

Une spirale descendante

La menace grandissante pour la région, qui souffre déjà de famines et de sécheresses causées par des conditions météorologiques de plus en plus imprévisibles, est le changement climatique. Les données du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCNUR) (lien externe)(en anglais) montrent que les températures au Sahel sont susceptibles d'augmenter de 2 à 4,3 degrés Celsius d'ici 2080, comparé aux niveaux de 1876.

M. Murotani souligne également que la surface du lac Tchad, qui procurait de l'eau à plus de 30 millions de personnes, s'est réduite de 90 pour cent depuis les années 1960.

« La pauvreté a atteint des niveaux extrêmement élevés, » ajoute Mme Dohi, qui observe que les ressources très limitées que sont l'eau et les terres fertiles alimentent les rivalités, les craintes et les tensions, particulièrement lorsque la survie des personnes est en jeu.

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La région du Sahel, notamment la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, est par conséquent un terrain fertile pour les conflits violents et l'extrémisme, selon les deux experts.

Ce phénomène est encore plus exacerbé si la gouvernance est insuffisante, en particulier dans les régions éloignées et faiblement peuplées, loin de la capitale métropolitaine.

Les experts confient par ailleurs que les communautés les plus démunies sont aussi celles qui manquent d'accès à l'aide, et encore davantage aux services de base tels que l'eau, l'éducation et les infrastructures, en plus de la pénurie d'emplois et d'autres moyens de subsistance.

Cette situation aboutit à un sentiment de défiance envers les gouvernements locaux et centraux, qui sont très peu présents dans les régions éloignées. Si l'on ajoute à cela la corruption et des antécédents d'abus parmi les dirigeants, les conditions sont alors réunies pour faciliter l'infiltration d'extrémistes et de groupes du crime organisé qui s'attaquent aux personnes vulnérables dans la région, poursuit M. Murotani.

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« Ces groupes peuvent inciter les gens à les rejoindre en leur promettant de protéger leur famille ou leurs biens y compris le bétail, » explique M. Murotani. Les groupes extrémistes s'en prennent aux gens ordinaires qui sont vulnérables, leur extorquant de l'argent sous prétexte de leur offrir une protection et profitant de leur méfiance à l'égard du gouvernement.

Consciente de ces problèmes, la JICA apporte sa coopération de manière à renforcer les capacités de l'administration locale, la collaboration des communautés, et la confiance dans les gouvernements. Par exemple, à travers des initiatives qui impliquent la participation des communautés telles que l'«École pour tous», qui associe les résidents locaux à la gestion et à la supervision des écoles. Dans ce type de cas, où les soutiens gouvernementaux sont rares et limités, une auto-gestion par les communautés locales est indispensable.

Problème crucial

Les deux experts évoquent le peu d'intérêt suscité par les problèmes rencontrés dans la région du Sahel, qui paraissent bien éloignés du reste du monde. Et pourtant, selon eux, le Sahel mérite beaucoup plus d'attention qu'il n'en reçoit, alors que nous vivons à l'heure de l'interconnexion planétaire.

M. Murotani affirme que le Sahel démontre comment les régions les plus durement affectées par le changement climatique sont exposées aux guerres et aux conflits. Il explique que les groupes terroristes dont les bases ne cessent de se renforcer risquent également de jeter leur dévolu sur le Sahel en raison de son environnement sécuritaire précaire.

« C'est pourquoi il est dans l'intérêt du monde entier de garantir la stabilité en Afrique de l'Ouest, » déclare-t-il, étant donné les répercussions sur le reste du monde. Dans cette optique, la « TICAD8 est une opportunité pour les pays de la région de se réunir avec les partenaires internationaux de développement et d'échanger des idées afin d'aligner nos divers efforts dans la région pour créer des états et des sociétés résilients » précise-t-il.

Le Japon, qui a sa propre histoire de reconstruction d'après-guerre et d'après-catastrophe, partage son expérience avec la région du Sahel, ajoute Mme Dohi.
Entre autres, la JICA mène une enquête auprès des pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie et Niger), pour mieux comprendre leurs problèmes et déterminer où l'aide est la plus nécessaire.

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Photo prise lors d'un séminaire sur le partage d'expérience du groupe des pays du Sahel en 2022,
qui succède au séminaire en ligne de 2021.

En juin 2021, la JICA a également organisé un séminaire en ligne, dans le but de partager avec les participants les expériences et les connaissances des gouvernements locaux japonais, concernant leurs rôles et leurs activités notamment pour la reconstruction d'Hiroshima après la Deuxième Guerre mondiale et suite au tremblement de terre, au tsunami et à l'incident nucléaire du 11 mars 2011 dans le grand est du Japon. En particulier, les intervenants ont démontré le rôle des responsables gouvernementaux et l'importance du leadership pour concrétiser une vision partagée de la reconstruction.

M. Murotani confie qu'il y a « beaucoup plus de points communs que prévu » concernant les défis rencontrés par les pays du Sahel. Le Japon est donc en mesure de mener des discussions et de créer une plate-forme permettant à chaque pays de partager ses objectifs, tout en aidant les communautés à retrouver la confiance en leurs gouvernements.

Concernant les ressources de la JICA dans la région de l'Afrique de l'Ouest, Mme Dohi indique que « les programmes de coopération de la JICA sont à l'échelle nationale. Mais comme la région est confrontée à des problèmes communs et que l'apprentissage entre pairs est très efficace, nous aimerions améliorer l'approche régionale en établissant un lien entre la région du Sahel et les expériences en Afrique de l'Ouest et au Japon ».