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Regards vers la TICAD8 : Le Japon promeut la couverture santé universelle en Afrique

26 septembre 2022

Le Japon a joué un rôle central dans les efforts continus de l'Afrique pour atteindre la couverture santé universelle (CSU), qui est nécessaire pour favoriser le développement, la stabilité et la résilience du continent. Le but de la CSU est de garantir que toute personne puisse bénéficier de services de soins de santé de qualité, lorsqu'elle en a besoin sans se heurter à des difficultés financières.

La CSU est un objectif prioritaire que l'Agence japonaise de coopération internationale (JICA) s'attache à promouvoir dans le cadre de la conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (TICAD), dont la huitième édition se tiendra en août, en Tunisie. Bien que la CSU soit encore un vaste chantier en cours, elle a déjà permis de réduire les taux de mortalité et d'améliorer le niveau de vie des communautés en Afrique.

« Le fait que le Japon pilote la TICAD avec des co-organisateurs tels que les Nations unies, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la Banque mondiale et la Commission de l'Union africaine (CUA), contribue au programme de la CSU en Afrique, car il aide à recentrer les efforts sur la santé déployés par tous les dirigeants en Afrique, » affirme le Dr Isabel MAINA, qui est en charge du financement des soins de santé au ministère de la Santé du Kénya.

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Le Dr TOBE Makoto, conseiller senior (financement de la santé/systèmes de santé),
département du développement humain, Agence japonaise de coopération internationale (JICA)

Le Japon, dont le système de CSU remonte à 1961, peut servir de modèle de référence dans des domaines tels que l'établissement d'un régime national d'assurance maladie et la gestion d'un registre de l'état civil, ainsi que par son expérience dans le domaine des maladies infectieuses et celles liées au mode de vie, déclare le Dr TOBE Makoto, conseiller senior dans le secteur de la santé à la JICA.

En garantissant des services de soins de santé de qualité, la JICA aide les nations africaines à construire, améliorer et rénover des cliniques, des centres de santé et des hôpitaux ; à former des médecins, des infirmières et des sages-femmes qui peuvent être envoyés dans les zones rurales ; et à fournir des équipements médicaux, des médicaments et des fournitures.

Le Dr Tobe ajoute qu'en matière de protection contre les risques financiers, l'un des obstacles majeurs à l'accès aux soins de santé est la crainte des coûts élevés, liée à l'idée que se soigner peut plonger une personne dans l'endettement. La CSU permet notamment aux plus défavorisés d'éviter de faire l'avance des frais médicaux.

« Beaucoup de pays africains essaient d'établir un système d'assurance maladie afin que les personnes n'aient pas à payer un montant important lorsqu'elles utilisent les services de santé et qu'elles puissent souscrire à un régime d'assurance avant même de tomber malade ou de se blesser, » précise-t-il. « La JICA aide les pays africains à mettre en place un programme d'assurance sociale, où le montant à payer est déterminé en fonction de la capacité de paiement (ceux qui peuvent s'acquitter des cotisations le font et les autres sont néanmoins couverts). Toutefois, l'accès aux services est basé sur les besoins (c'est-à-dire que chacun peut accéder aux services en fonction de ses besoins qu'il ait cotisé ou non). »

Un tel engagement au niveau du continent parmi les dirigeants africains, ajoute le Dr Maina, a aidé des pays comme le Kénya à s'affranchir progressivement d'une forte dépendance à l'égard des donateurs, dont l'aide peut se tarir, pour passer à un financement plus durable des soins de santé.

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Le Dr Isabel Maina, directrice du financement de la santé, ministère de la Santé, Kénya

Gestion des maladies

Selon le Dr Maina, les efforts continus pour la mise en place de la CSU associée à la croissance économique ont permis de réduire la pauvreté, bien que celle-ci reste relativement élevée et touche environ 43 pour cent des foyers en l'Afrique. La prédiction selon laquelle la population du continent va doubler et atteindre 2,5 milliards de personnes d'ici 2050 pourrait avoir des conséquences néfastes sur les services de santé. Ces problèmes démographiques signifient que le continent doit se préparer de manière appropriée et établir des fondations solides pour la CSU et le développement économique.

L'Afrique est aussi confrontée au « triple fardeau » des maladies transmissibles, des maladies non transmissibles et des blessures, bien que la nature des menaces sanitaires varie selon les pays. Il y a les maladies transmissibles ou contagieuses telles que le paludisme et la tuberculose ; les maladies non transmissibles telles que le diabète, l'hypertension et les cancers ; sans oublier la violence et les blessures. Par exemple, la malnutrition demeure un problème répandu en Afrique subsaharienne tandis que les problèmes de surpoids et d'obésité prévalent dans les pays nord-africains, où les maladies cardiovasculaires sont fréquentes. Plusieurs autres pays luttent encore contre des taux élevés de mortalité infantile et maternelle, tandis que les systèmes de santé sont dans l'incapacité de gérer les menaces sanitaires.

Le Dr Tobe commente que l'intérêt porté par la JICA à la CSU vise à aider l'Afrique à affronter les menaces sanitaires émergentes et re-émergentes, qu'il s'agisse du virus Ebola, du paludisme, de la variole du singe, de la poliomyélite ou de la COVID-19. Cela pourrait se faire grâce à une approche descendante du développement d'un réseau de laboratoires, ou par des efforts ascendants au niveau de la base et au sein des communautés, comme par exemple la distribution de moustiquaires pour lutter contre le paludisme.

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Le personnel de santé et l'équipe de la JICA en visite dans les établissements de santé pour
apprendre les meilleures pratiques sur les mouvements de fonds afin de collecter des informations
utiles aux réformes de gestion des finances publiques (GFP).

« Le travail que nous avons fait ensemble avec le Japon avant la COVID a permis de renforcer nos systèmes de santé : cela a assuré la prestation continue des services de santé essentiels durant la pandémie et nous a aidés à mieux affronter la période post-COVID, » explique le Dr Maina. « La COVID a ébranlé tout le système, mais tout ce qui a été réalisé avant et avec une meilleure planification a aidé l'Afrique à résister à la menace du coronavirus. »


Paiement des soins de santé

Il est également important de s'assurer que les soins de santé restent abordables pour tous, et qu'il existe un financement pour construire des hôpitaux et former un personnel médical. Les systèmes de santé doivent pouvoir résister aux chocs extérieurs tels que la réduction des financements des donateurs ou le changement de priorités des politiciens quant à l'utilisation de l'argent des contribuables.

Le Dr Tobe, observant qu'il est difficile d'améliorer les soins de santé sans examiner la provenance des fonds, souligne que de nombreux pays ont évité la question jusqu'en 2010 lorsque l'Organisation mondiale de la santé a mis en lumière le financement.

« Pour acheter des médicaments, améliorer les établissements de santé et les cliniques, l'argent est indispensable, » poursuit le Dr Tobe. « Les donateurs peuvent fournir une aide ponctuelle au nom des pays en développement -- par exemple, la JICA peut faire don d'un hôpital en utilisant l'argent des contribuables japonais -- mais son entretien nécessitera un flux d'argent régulier au sein même de ces pays en développement. »

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Le Dr TOBE Makoto « en discussion sur la coopération de la JICA avec le directeur général de
l'Agence sénégalaise de la couverture maladie universelle. (Photo appartenant au Dr TOBE Makoto)

La JICA a octroyé des prêts concessionnels à des taux d'intérêt très bas à des pays tels que le Kénya, la Côte d'Ivoire et le Sénégal, pour soutenir les initiatives de la CSU telles que la garantie de l'accès financier aux services de santé pour les populations défavorisées ou vulnérables, ou l'augmentation du nombre d'infirmières et de sages-femmes dans les zones rurales.

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La coopération de la JICA pour la CSU au Sénégal (illustration réalisée par le Dr TOBE Makoto)



Vers l'atteinte de la CSU au Kénya

Le Dr Maina observe que le Kénya s'achemine résolument vers la CSU dont l'atteinte est accélérée grâce au soutien constant de ses partenaires, parmi lesquels le Japon.

Lors de l'indépendance du pays en 1963, le gouvernement kényan s'est engagé à lutter contre la maladie, la pauvreté et l'analphabétisme : une approche qui garantissait la mise en place de la CSU. En 1966, un régime national d'assurance maladie a été fondé pour couvrir les travailleurs du secteur formel. L'évolution a été rapide jusqu'en 2013, année du lancement d'initiatives gouvernementales clés en faveur de la CSU, telles que le programme Linda Mama (services de soins maternels gratuits) ; les allocations de sécurité sociale pour les orphelins et les enfants vulnérables avec le soutien de la JICA ; les pensions d'assurance pour les personnes âgées et les personnes gravement handicapées, et d'autres programmes incluant une couverture d'assurance maladie pour les étudiants du secondaire (Edu Afya) ainsi que des mesures dynamiques pour renforcer les systèmes de santé avec notamment la fourniture d'équipements spécialisés.

En 2017, la CSU a été identifiée comme l'une des « quatre grandes » priorités gouvernementales, qui ont abouti à la mise en place d'un projet pilote de CSU dans quatre comtés (au niveau sous-national) réalisé grâce au financement de produits essentiels, de ressources humaines dans le secteur de la santé, d'équipements et d'autres moyens.

Les leçons tirées du projet pilote de CSU ont inspiré le modèle actuel basé sur une assurance maladie sociale mise en œuvre à travers un régime national d'assurance maladie remanié auquel tous les Kényans doivent adhérer. Le Dr Maina précise : « Ceux qui peuvent payer les cotisations, le feront. Pour les autres, le gouvernement les soutiendra avec des allocations d'assurance maladie ».

En vue d'accélérer l'atteinte de la CSU au Kenya en tirant profit des leçons de son projet pilote, la JICA a octroyé un prêt d'APD en soutien à la politique de développement de la CSU au Kénya. Les mesures concernaient un large éventail de domaines, allant des réformes de la gestion des finances publiques (par exemple, la gestion budgétaire), à la qualité des services de santé, les informations médicales, et d'autres activités.

Quelques indicateurs sélectionnés montrent que le cheminement résolu du Kénya vers la CSU a permis des progrès significatifs à travers des initiatives telles que le programme Linda Mamma (services de soins maternels gratuits), qui a relevé le pourcentage des accouchements dans des établissements de santé de 44 pour cent en 2013 à presque 80 pour cent aujourd'hui. La mortalité infantile des moins de 5 ans a chuté de 177 en 1963 à 42 pour 1 000 naissances vivantes en 2021, tandis que l'espérance de vie est passée de 49 ans en 1963 à 67 ans aujourd'hui.

À terme, la CSU garantit une population en meilleure santé et capable de soutenir l'économie, ce qui mène à une société stable et plus résiliente, ajoute le Dr Maina.

« La CSU concerne l'être humain dans son ensemble, la personne tout entière. Il s'agit de la sécurité des personnes et de leur santé. Les personnes en bonne santé sont en mesure de contribuer au développement du pays -- parce que si vous êtes en bonne santé, vous n'êtes pas dans les hôpitaux et vous pouvez vous rendre à votre travail tous les jours, » poursuit le Dr Maina. « Si vos enfants sont en bonne santé, ils sont capables d‘aller à l'école. En tant que parent, vous pouvez travailler et par conséquent l'argent et le temps qui autrement seraient dépensés pour les services de santé, peuvent contribuer au développement économique. »

Elle ajoute : « Les personnes qui bénéficient d'une protection sociale sont plus sereines et moins susceptibles de perturber la paix du pays. Là où règne la paix, la stabilité règne aussi. Un pays stable est résilient parce que chaque secteur de ce pays, que ce soit l'économie, la politique ou la société, fonctionne ».

Le fait de corréler les trois piliers de la TICAD8, à savoir l'économie, la société, et la paix et la stabilité, avec la CSU aidera les gens à mieux comprendre l'importance de cette dernière.

Le Dr Tobe reconnaît que des personnes en bonne santé sont indispensables au développement économique. Notant que, peu importe si une personne est riche ou indépendante, elle a tendance à devenir plus vulnérable en vieillissant ou si sa situation économique change. Il poursuit : « Une société développée offre un soutien aux personnes vulnérables sur le plan social, pour éviter une dépendance totale à l'égard de leur famille. Les inégalités inacceptables en matière de santé provoquent la colère et l'instabilité dans le monde. La CSU rend le monde plus pacifique et stable. "

La TICAD8 est une excellente opportunité pour les dirigeants africains de reconnaître les avantages et la nécessité d'investir dans la CSU pour le développement durable de leurs pays. C'est aussi l'occasion pour les Japonais de se rendre compte que le monde est devenu plus interdépendant et que ce qui se passe en Afrique a une influence sur leur quotidien au Japon. En apportant notre soutien au développement de l'Afrique et de la CSU en Afrique, nous contribuons à un quotidien plus stable au Japon.

« Une société dans laquelle les personnes peuvent s'aider mutuellement est une société qui rend le monde plus stable et plus durable, » conclut le Dr Tobe.

Soutien de la JICA aux événements parallèles sur la « Santé »