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Nouvelles du terrain

26 août 2019

VERS LA TICAD 7 : «L'Afrique et moi» Partie 11 – Développer les systèmes de santé pour offrir des soins de santé et une assurance maladie à tous les Sénégalais – Makoto Tobe, conseiller senior de la JICA

Au Sénégal, en Afrique de l'Ouest, la JICA a soutenu la réforme des systèmes de financement de la santé. En 2013, le Sénégal a élaboré un «Plan stratégique de développement de l'assurance maladie universelle», en vertu duquel 90 % de sa population devrait bénéficier d'une assurance maladie à l'horizon 2022. En élargissant la couverture des programmes d'assurance maladie et en améliorant les systèmes de prestation des services de santé, le Sénégal aspire à réaliser la couverture santé universelle (CSU). La CSU signifie garantir à toute la population l'accès à des services de soins de santé de qualité adéquate en cas de besoin sans encourir de difficultés financières.

PhotoM. Tobe (deuxième en partant de la gauche) s’entretient avec des représentants de l’Union départementale des mutuelles de santé dans la région de Kaolack, au Sénégal.

Pour ce onzième article de notre série VERS LA TICAD 7 : «L'Afrique et moi», Makoto Tobe, conseiller senior de la JICA et spécialiste du financement de la santé, parle de l'importance des systèmes de financement de la santé pour la réalisation de la CSU.


Assistance financière et technique simultanée pour le système de financement de la santé

«Au Sénégal, pays de 15 millions d'habitants, l'extrême pauvreté pèse sur la vie de 2 millions de personnes. Avant de réaliser l'objectif de CMU auquel il aspire, ce pays avait d'importants problèmes à régler», explique M. Tobe.

Le montant de la cotisation d'assurance maladie communautaire au Sénégal équivalait à près de 2 000 yens par personne et par an. Pour que le gouvernement subventionne la cotisation d'assurance des 2 millions d'individus les plus pauvres, incapables d'en acquitter le montant eux-mêmes, un budget supplémentaire annuel de 4 milliards de yens était nécessaire.

PhotoUne sage-femme surveille la croissance de nourrissons dans un centre de santé au Sénégal. Les systèmes de financement doivent offrir des ressources financières suffisantes aux centres de santé pour qu’ils puissent fournir des services de soins.

Ainsi, le gouvernement du Sénégal a fait une demande d'aide auprès du Japon, qui a mis en place un système d'assurance maladie universelle il y a plus de 50 ans, et qui assure une assistance technique visant à renforcer le système de santé depuis plusieurs décennies. En réponse à cette demande, la JICA a décidé de déployer une aide à la fois financière et technique pour le système de financement de la santé – prêt concessionnel d'un montant de 8,4 milliards de yens, et projet de coopération technique pour renforcer les compétences administratives du système de financement de la santé aux niveaux communautaire, régional et national.

C'est la première fois que la JICA fournit une assistance financière et technique simultanée pour renforcer un système de financement de la santé en Afrique. Les efforts déployés précédemment par la JICA dans ce domaine étaient centrés non pas sur le financement de la santé, mais sur la prestation des services de santé : il s'agissait notamment d'améliorer les infrastructures sanitaires et de développer des ressources humaines dans ce domaine. Il fallait «commencer par améliorer les services de santé». Toutefois, ces dix dernières années, il est apparu un peu partout dans le monde que les mesures d'aide portant uniquement sur la prestation de services de santé étaient inefficaces, et qu'il convenait de renforcer en parallèle les systèmes de financement de la santé. On aura beau avoir formé des ressources humaines, elles resteront inemployées tant qu'il n'y aura pas de système financier capable de réunir suffisamment de fonds pour les payer. De même, des ressources financières sont nécessaires pour entretenir les installations et équipements sanitaires. Il s'est donc avéré essentiel d'élaborer un système de financement de la santé qui permette de lever suffisamment de fonds pour financer la santé par le biais de l'assurance maladie et de la fiscalité plutôt qu'en s'en remettant trop aux paiements directs des patients.


Un système de financement de la santé est un facteur essentiel de développement durable

En Côte d'Ivoire, M. Tobe a vécu une expérience profondément marquante qui lui a fait prendre pleinement conscience de l'importance du système de financement de la santé.

PhotoKit de naissance stocké dans un entrepôt hospitalier en Côte d'Ivoire. De fait, les femmes enceintes doivent payer ces kits qui, à l'origine, devaient leur être fournis gratuitement. La mise en place d'un système de financement de la santé fiable et pérenne est un enjeu important.

«Un jour, je suis allé visiter un hôpital public. C'était sale et chaotique, et il régnait une odeur terrible. De nombreuses fournitures médicales manquaient, et le personnel de santé était en sous-effectif et épuisé. Une femme enceinte qui saignait abondamment est arrivée. La sage-femme de service ne lui a dispensé aucun soin en attendant l'arrivée du docteur. La femme enceinte est morte par la suite. Il est évident que les compétences techniques des sages-femmes doivent être améliorées. Mais ce n'est pas tout. J'ai compris qu'il fallait également mettre en place un mécanisme de financement permettant d'allouer un budget adapté à l'achat d'une quantité suffisante de fournitures et à l'embauche d'un nombre suffisant de sages-femmes.»

En 1960, de nombreuses colonies d'Afrique ont acquis l'une après l'autre leur indépendance. À une époque où tous les espoirs reposaient sur la croissance économique, l'impôt permettait de couvrir tous les frais médicaux, et personne ne devait payer les soins de santé de sa poche. Or, contre toute attente, la croissance économique a fini par fléchir, et pour éviter l'effondrement budgétaire, les gouvernements ont réduit peu à peu le niveau des services publics ; les budgets consacrés à la santé ont été laminés et les patients mis directement à contribution pour les services dont ils bénéficiaient. Les personnes appartenant au segment le plus pauvre de la population, notamment, se sont donc retrouvées dans l'impossibilité de recourir aux services de santé.

Ce problème est devenu patent au milieu de la première décennie du 21e siècle. À mesure que les services devenaient payants pour un nombre croissant d'individus, ceux-ci – surtout les plus démunis – ont cessé de fréquenter les hôpitaux et les dispensaires. Les problèmes de santé se sont multipliés, le taux de mortalité a augmenté et le développement durable est devenu difficile à mettre en œuvre dans les pays concernés. Un rapport de l'Organisation mondiale de la santé a attiré l'attention de l'opinion publique mondiale sur cette évolution en 2010, soulignant la nécessité de disposer d'un système de financement fiable pour tous, y compris pour les personnes pauvres et vulnérables.


Tendre vers un monde pacifique et égalitaire

Dans le cadre du projet de coopération technique de la JICA sur les systèmes de financement de la santé au Sénégal, des études ont été menées sur le pourcentage de la population couverte par l'assurance maladie et les initiatives de gratuité des soins, la situation financière des organismes communautaires d'assurance maladie, et la part des dépenses de santé à la charge des ménages dans leur budget global. Les résultats de ces études ont permis de formuler des recommandations sur les améliorations à apporter aux systèmes existants de financement de la santé, afin qu'ils couvrent de façon adéquate la population et en particulier son segment le plus pauvre.

PhotoLivret d'adhérent de la mutuelle de santé communautaire au Sénégal. Pour l'heure, l'essentiel du travail administratif de l'assurance incombe à des bénévoles élus par les membres de la communauté.

«L'une des caractéristiques du système d'assurance maladie au Sénégal est le fait que le travail administratif de l'assurance est confié à des dirigeants communautaires et à des volontaires choisis par les membres de la communauté. À l'avenir, il est prévu de recruter du personnel professionnel pour toutes ces tâches, mais les budgets actuels sont insuffisants. J'ai été frappé par l'esprit d'entraide et l'enthousiasme («faisons ce qui est en notre pouvoir») des membres de la communauté.»

Au Japon, il a fallu plus de 30 ans pour instaurer une assurance maladie universelle. Il faudra sans doute plusieurs décennies pour parvenir à la mise en place d'un tel régime au Sénégal.

«Non seulement au Sénégal, mais partout dans le monde, il y a des gens qui sont contraints de vivre dans un environnement défavorable auquel ils ne peuvent échapper par leurs propres moyens. Nous devons faire de notre mieux pour améliorer les systèmes administratifs de la société et contribuer ainsi à remédier aux inégalités. Si ces inégalités rendent le monde instable et conflictuel, je pense que la CSU mènera à un monde stable et pacifique». M. Tobe a prononcé ces paroles avec force.


Profil
Makoto Tobe
M. Tobe dispense des conseils techniques à la JICA sur le financement de la santé en qualité de conseiller senior depuis 2015. Il participe depuis plus de 20 ans à la mise en œuvre de la CSU et à des recherches portant sur celle-ci dans les pays en développement. Il s'est vu décerner le Prix de la meilleure pratique d'APD par le gouvernement philippin en 2014 et le Prix du président de la JICA en 2017 pour le projet de renforcement des systèmes de santé dans la Région administrative de la Cordillère aux Philippines. Il est originaire de la préfecture de Chiba.

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