L'aquaculture de subsistance soutient les activités des femmes et accroît les moyens d'existence des communautés rurales des hauts-plateaux de Guinée
2020.08.14
Dans les hauts-plateaux de la République de Guinée, en Afrique de l'Ouest, l'«aquaculture communautaire» de poissons de rivière joue un rôle actif dans l'autonomisation des femmes. Dans cette région, la pêche de poissons dans les lacs saisonniers créés par les crues du fleuve Niger constitue une activité traditionnelle. La JICA participe à la promotion d'un nouveau type d'aquaculture qui transforme les zones humides naturelles en bassins d'aquaculture et les fertilise pour améliorer la productivité piscicole. Cette méthode, pratiquée principalement par les femmes, devrait contribuer au développement de l'aquaculture dans le pays.
Les poissons sont capturés dans des étangs communautaires créés avec l'assistance technique de la JICA. Les femmes y jouent un rôle prédominant. Les calebasses posées sur leurs têtes servent à porter les poissons. (Village de Niankamba, préfecture de Dabola, avril 2005)
«La fête des récoltes est une tradition communautaire. C'est très amusant, car une fois par an, tout le monde dans le village travaille ensemble !» explique Mme Bangoura, habitante du village de Djomabana, dans la préfecture de Siguiri au milieu des hauts-plateaux de Guinée, à propos d'un événement organisé chaque année dans les étangs piscicoles communautaires. Dans les régions intérieures d'Afrique de l'Ouest, les femmes jouent traditionnellement un rôle central dans la capture des poissons, notamment le poisson-chat et le tilapia, éléments essentiels de l'alimentation quotidienne. La récolte du poisson présente l'avantage de s'effectuer sans compétence de pêche particulière et de pouvoir être menée à proximité du village. Les femmes peuvent donc pêcher sans que cela n'empiète sur le temps consacré aux autres tâches ménagères.
Le volume de poissons récolté à l'aide de cette méthode traditionnelle était cependant fluctuant et limité, c'est pourquoi on le considérait comme une «bénédiction divine». Depuis les années 1990, à cause de la réduction des précipitations dans la région, la taille et le nombre des étangs naturels des hauts-plateaux de Guinée ont connu un net recul, ce qui s'est traduit par une baisse de la récolte de poissons. De 2005 à 2009, un expert envoyé par la JICA s'est attaqué à ce problème grâce à une nouvelle méthode d'aquaculture consistant à creuser les étangs pour retenir plus d'eau, et à utiliser des sous-produits agricoles issus du battage (des balles de riz) et du fumier de vache séché pour les fertiliser. Au cours de ce processus, l'expert a veillé à ne pas modifier radicalement la pratique traditionnelle de récolte du poisson. Près de 40 étangs entièrement vidés pendant la saison sèche ont été sélectionnés et convertis en étangs communautaires plus propices à la croissance des poissons. En conséquence, le rendement du poisson a plus que doublé.
Pendant la saison sèche, de mars à mai, les étangs naturels sont creusés, comme une piscine, pour créer des étangs piscicoles communautaires.
La fête des récoltes du village de Morigbeya, dans la préfecture de Dabola. L'augmentation de la production de poisson permise par l'aquaculture communautaire a redonné une nouvelle vie à cette fête traditionnelle (avril 2007).
Après avoir été contrainte de suspendre son aide pendant 10 ans, entre 2009 et 2018, à cause d'un coup d'État et d'une épidémie d'Ebola, la JICA a finalement repris ses projets en mars 2019. Lorsque les experts sont retournés en Guinée, ils ont constaté que les villageoises avaient poursuivi seules les activités d'aquaculture communautaire.
«Soucieuses de nourrir leur famille, les femmes n'ont pas attendu le retour de l'aide extérieure, et elles ont continué à creuser activement les étangs. En plus de la fête annuelle des récoltes à laquelle tous les villageois participent, elles organisent une série d'événements réservés aux femmes autour de la récolte afin d'augmenter les volumes de production», explique l'expert MURAI Tadashi, présent sur le projet depuis ses débuts en 2005.
L'aquaculture communautaire a également un impact significatif sur la revitalisation du travail collectif des villageois. «Le renouveau de la fête des récoltes dans les étangs nous permet de réaffirmer l'identité et l'unité du village. Même les personnes qui travaillent à l'extérieur du village retournent chez elles pour participer à l'événement. Cela renforce les liens entre les habitants. La sécurité alimentaire et la culture traditionnelle sont les deux piliers de la vie rurale», conclut M. Diallo, exploitant piscicole et représentant des administrateurs de l'étang du village de Dogolen, dans la préfecture de Mandiana.
En Guinée, en raison de la diminution des précipitations liée au réchauffement climatique et de l'accumulation de sédiments due à la déforestation en amont, les étangs, mais aussi les forêts, disparaissent. La préservation des zones humides par l'aquaculture communautaire contribue ainsi à la protection de l'environnement local, à l'élevage du bétail et à l'amélioration de la productivité agricole, les marais étant une source essentielle d'eau pour ces activités.
L'aquaculture communautaire a également permis de sensibiliser les habitants. Cela a occasionné une évolution des comportements ; les populations locales font face aux changements environnementaux naturels en fixant leurs propres objectifs de gestion de l'eau et agissent de manière proactive pour les atteindre.
(À gauche) Activités de sensibilisation des villageois. L'aquaculture communautaire permet également la revitalisation des villages et une meilleure prise de conscience des enjeux environnementaux par les populations.
(À droite) «Les poissons préfèrent être sous les arbres, nous prévoyons donc de travailler également sur la plantation d'arbres», déclare un membre du comité de gestion de l'étang du village de Dogolen, dans la préfecture de Mandiana.
En janvier 2020, l'aquaculture communautaire était pratiquée dans 83 zones humides gérées par la communauté dans les hauts plateaux. Parallèlement à la diffusion de l'aquaculture communautaire, le gouvernement guinéen a créé une agence spécialisée dans le développement de l'aquaculture afin de promouvoir les étangs piscicoles privés destinés à la vente de poissons d'élevage.
«Nous prévoyons un développement de l'aquaculture communautaire dans plus de 500 zones humides, uniquement dans la région des hauts-plateaux. Près de 700 zones humides peuvent être transformés en étangs piscicoles dans tout le pays. Nous continuerons de travailler avec les communautés pour effectuer des récoltes toute l'année», promet M. Murai, confiant en l'avenir.
Activités d'évaluation de site dans le village de Somaya, préfecture de Dabola, dans les hauts-plateaux de Guinée. L'expert M. Murai (à gauche) discute avec des résidents et des représentants du gouvernement.
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