Journée mondiale des réfugiés : Les problèmes de la Palestine et la situation mondiale des réfugiés

2023.06.14

Les mots «réfugié» et «conflit» apparaissent de plus en plus fréquemment dans les actualités récentes. Le nombre de personnes forcées de fuir leur foyer en raison de l'invasion de l'Ukraine par la Russie a augmenté et les combats au Soudan ont empiré, ce qui aggrave le problème des réfugiés dans le monde. L'une des questions les plus complexes de ces 75 dernières années a été le conflit israélo-palestinien au Moyen-Orient.

À l'occasion de la Journée mondiale des réfugiés, le 20 juin, nous avons interviewé deux spécialistes des questions relatives aux réfugiés. Le Dr Seita Akihiro travaille sur le terrain depuis plus de dix ans en tant que directeur de la santé de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Abe Toshiya, ancien représentant en chef du bureau de la JICA pour la Palestine, s'implique depuis longtemps dans le soutien à la Palestine. Nous avons discuté avec eux de la question de plus en plus préoccupante des réfugiés, de la manière dont ils peuvent être soutenus et de la possibilité de trouver des solutions aux problèmes qu'ils rencontrent.

Le nombre de personnes contraintes de fuir leur domicile en raison de conflits et de persécutions a franchi pour la première fois le seuil des 100 millions.

——Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, contraints de fuir leur foyer en raison de conflits et de persécutions, a dépassé pour la première fois les 100 millions en 2022. Ce chiffre a plus que doublé par rapport à celui de 42,7 millions enregistré dix ans plus tôt. Comment percevez-vous la situation actuelle ?

Seita Akihiro :
Que ce soit à titre personnel ou au niveau de la communauté internationale, absolument rien ne laissait présager une telle augmentation du nombre de réfugiés dans le monde. Par ailleurs, la situation des réfugiés s'aggrave également au Moyen-Orient. Une nouvelle frappe aérienne a eu lieu à Gaza ce matin*, et le nombre de personnes déplacées continue d'augmenter.

*Le 9 mai, jour de cette interview, les forces de défense israéliennes ont bombardé le bastion de la milice du Jihad islamique palestinien dans les zones autonomes palestiniennes de Gaza. Il s'en est suivi un échange de frappes aériennes et de roquettes, avec des contre-attaques de la partie palestinienne, qui ont persisté pendant cinq jours. Selon les rapports, un certain nombre de civils ont été blessés ou tués des deux côtés, ainsi que des membres importants des groupes armés à Gaza.

Abe Toshiya :
Il nous faut bien reconnaître que la situation est très inquiétante. Ces plus de 100 millions de personnes représentent environ 80 % de la population du Japon, soit un être humain sur 80 dans le monde.

Le facteur déterminant dans ces situations est le conflit. Selon le HCR, les réfugiés ont le choix entre le rapatriement volontaire (retour dans le pays d'origine), l'intégration dans le pays d'accueil ou la réinstallation dans un pays tiers. Bien sûr, il est préférable de rentrer chez soi, mais c'est impossible à moins que le conflit ne prenne fin et que la paix ne soit instaurée. Plus la situation se prolonge, plus le nombre de réfugiés de Palestine, de Syrie, d'Afghanistan, d'Ukraine, du Soudan et d'autres pays augmente.

La situation actuelle des personnes déplacées en Palestine, la plus longue crise de réfugiés au monde

——-La guerre israélo-arabe de 1948 a éclaté à la suite de la proclamation de l'État d'Israël, et environ 800 000 personnes ont été forcées de fuir le territoire palestinien qui avait été sous mandat britannique. Bien qu'ils aspirent à rentrer chez eux, les Palestiniens vivent en tant que réfugiés dans les pays voisins depuis 75 ans, et leur nombre s'élève aujourd'hui à environ 5,9 millions. Comment décririez-vous la situation actuelle de ces réfugiés palestiniens ?

M. Seita :
Je pense sincèrement que nous sommes «dans une impasse». L'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a été créé par les Nations unies en 1949 et est actif depuis 1950. La période d'activité était initialement fixée à trois ans. En d'autres termes, le monde estimait alors que le problème des réfugiés palestiniens pouvait être résolu dans ce laps de temps. Aujourd'hui, 73 ans plus tard, les problèmes politiques à l'origine de la situation des réfugiés palestiniens ne semblent pas près d'être résolus dans un avenir prévisible. Les négociations de paix entre l'Autorité palestinienne et Israël ne progressent pas et les conditions politiques et économiques dans les pays voisins tels que la Syrie et le Liban, où vivent de nombreux réfugiés palestiniens, ne cessent de se dégrader.

Aucun des réfugiés palestiniens n'a choisi d'être réfugié ou imaginé être figé dans ce statu quo pendant 75 ans. Mais quatre générations de Palestiniens ont désormais vécu en tant que réfugiés, et leur sentiment de désespoir ne cesse de croître. Le rôle de l'UNRWA dans le soutien à la santé et à l'éducation des enfants devient de plus en plus important. Les parents sont désireux de «faire quelque chose pour l'avenir de leurs enfants», même s'ils ne peuvent rien faire pour le leur.

M. Abe :
J'ai rejoint la JICA en 1993 et j'ai été immédiatement affecté au poste de responsable de pays pour la Palestine. L'accord d'Oslo (accord de paix entre la Palestine et Israël) a été signé la même année. Les espoirs de création d'un gouvernement de l'Autorité palestinienne étaient élevés, mais les négociations de paix sont aujourd'hui complètement bloquées. La communauté internationale travaille à la mise en place d'une «solution à deux États» qui établirait un État de l'Autorité palestinienne. Mais les progrès ont été lents, une solution n'a pas encore été trouvée et l'intérêt de la communauté internationale s'est émoussé.

Ce qui me préoccupe le plus, c'est que le processus de transition entre l'aide humanitaire et le développement économique à moyen et long terme est en train de s'inverser. En d'autres termes, les gens peinent à nouveau à subvenir à leurs besoins.

——Quel type de soutien l'UNRWA et la JICA apportent-ils aujourd'hui, compte tenu de la situation politique et des conditions de vie de plus en plus difficiles des réfugiés palestiniens ?

M. Seita :
Je participe à la fourniture de soins médicaux dans 140 cliniques dans la zone d'opération de l'UNRWA en Jordanie, au Liban et en Syrie, ainsi qu'en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et dans les zones autonomes palestiniennes de Gaza.

Actuellement, 70 à 80 % des décès des réfugiés palestiniens sont dus à des maladies liées au mode de vie, telles que le diabète et l'hypertension. La principale cause de ces maladies est le manque de ressources financières, qui oblige les réfugiés à avoir une alimentation déséquilibrée. Il est important que les maladies chroniques liées au mode de vie soient soignées en continu par les mêmes médecins et infirmières, c'est pourquoi nous avons introduit le «concept de médecin de famille». Un service de dossiers médicaux informatisés a été créé afin que les antécédents médicaux du patient, les résultats des examens, la liste des médicaments et d'autres informations relatives au traitement puissent être consultés instantanément. Comme la vie des réfugiés est dure et qu'il y a peu d'espoir pour l'avenir, il est urgent de s'attaquer à la violence domestique et aux problèmes de santé mentale.

M. Abe :
En tant qu'agence de développement, la JICA se concentre sur l'amélioration de la qualité de vie, le développement des ressources humaines et le renforcement des capacités, plutôt que sur l'aide humanitaire d'urgence. En réponse à la crise prolongée des réfugiés, nous menons un projet destiné à améliorer les conditions de vie dans 15 camps de réfugiés palestiniens en Cisjordanie. Les maisons initialement construites pour servir de logements temporaires sont aujourd'hui en mauvais état et les infrastructures sont inadéquates. Dans le cadre de ce projet, les résidents établissent des programmes de rénovation et utilisent le financement participatif (crowdfunding) et d'autres moyens pour optimiser leur environnement quotidien. Nous aidons les gens à vivre en sécurité et dans la dignité, même dans des circonstances difficiles.

M. Seita :
Nous avons également travaillé avec la JICA pour introduire un carnet de santé maternelle et infantile, connu localement sous le nom de «Carnet de la JICA». Les femmes enceintes, qui sont plus de 90 000 par an, utilisent toutes le carnet. Les volontaires japonais pour la coopération à l'étranger participent également à l'enseignement de disciplines telles que la musique et l'éducation physique dans les écoles élémentaires et secondaires gérées par l'UNRWA. La JICA est un partenaire stratégique dans le soutien aux réfugiés palestiniens.

M. Abe :
Le projet d'amélioration des camps de réfugiés en Palestine a constitué la première intervention de la JICA dans un camp pour y apporter une aide directe. Le projet crée des opportunités pour les résidents de différents statuts sociaux qui ont eu peu d'occasions de s'exprimer dans le passé. Ces résidents très actifs sont notamment des femmes, des personnes handicapées et des jeunes, qui discutent des améliorations à apporter à leurs conditions de vie. Il est important de coopérer avec l'UNRWA, qui connaît bien la vie des résidents et les conditions d'existence dans les camps. Je pense qu'il est également primordial que nous continuions à coopérer les uns avec les autres pour fournir un soutien à l'avenir.

Quel est le rôle des organisations de soutien qui ne peuvent être impliquées dans aucune solution politique?

——Ni l'UNRWA ni la JICA ne sont en mesure d'intervenir directement dans la question politique de la paix entre la Palestine et Israël. Quel rôle les agences d'aide peuvent-elles jouer dans la recherche d'une solution ?

M. Seita :
Bien sûr, il ne nous appartient pas d'intervenir dans les questions politiques, mais nous pouvons créer des situations qui contribuent à résoudre le problème des réfugiés. L'UNRWA compte plus de 30 000 employés, dont la plupart sont des réfugiés palestiniens, et un petit nombre d'employés internationaux, ce qui crée un système qui permet aux réfugiés de résoudre leurs propres problèmes. Il est primordial, aujourd'hui, alors que la situation est si dramatique, de montrer aux réfugiés palestiniens que le monde n'a pas renoncé à la paix. Nous devons les aider à vivre avec dignité et fierté jusqu'au jour où les problèmes politiques seront résolus.

M. Abe :
Outre l'aide humanitaire, l'un des principaux rôles des agences de développement est de créer un environnement propice aux solutions politiques. Par exemple, le PIB par habitant est 14 fois plus élevé en Israël qu'en Palestine, ce qui entraîne une disparité de pouvoir. La JICA soutient le développement des industries palestiniennes telles que l'agriculture et le tourisme, ainsi que les petites et moyennes entreprises, afin que les Palestiniens puissent devenir économiquement indépendants. Nous pensons qu'il serait encore mieux que la réduction des disparités économiques puisse déboucher sur une solution politique. Nous collaborons avec une start-up informatique japonaise pour promouvoir la culture des ressources humaines dans le domaine du développement de logiciels parmi les jeunes de la bande de Gaza, et nous accordons des prêts à la plus grande banque privée de Palestine pour encourager les petites et microentreprises à étendre leurs activités.

M. Seita :
Cette année, nous commémorons exactement les 70 ans du soutien apporté par le Japon à l'UNRWA, qui a débuté en 1953. Le Japon a continué à fournir une aide humanitaire régulière, sans aucun parti pris politique, avec pour principal objectif la recherche d'une paix permanente, tout en coopérant avec la communauté internationale, ce qui a été très apprécié dans la région.

Les partenariats sont essentiels pour résoudre les problèmes liés aux réfugiés

——Dans le cadre de votre soutien aux réfugiés palestiniens, avez-vous été en mesure de proposer des idées pour contribuer à résoudre l'un ou l'autre des problèmes persistants auxquels sont confrontés les réfugiés dans le monde ?

M. Seita :
Nous devons protéger les droits de l'homme et la dignité des réfugiés. Ceux d'entre nous qui apportent leur soutien doivent montrer qu'ils n'abandonneront pas, qu'ils établiront des partenariats avec ceux qui ne renonceront pas et qu'ils créeront des systèmes à longue durée de vie. Nous continuerons à apporter notre soutien par tous les moyens possibles. Il est également important de partager les résultats de ce soutien avec le monde entier et de diffuser les voix des réfugiés afin qu'ils ne soient pas oubliés. Nous pensons que la question de savoir si les nations du monde peuvent trouver un moyen de mettre fin à la guerre entre la Russie et l'Ukraine déterminera en grande partie la résolution future du problème des réfugiés dans le monde.

M. Abe :
Il est impossible pour un seul pays ou une seule institution de résoudre les problèmes liés aux réfugiés dans le monde. Il est important que les gouvernements des pays d'accueil, les organisations d'aide comme la JICA et les autres organisations internationales utilisent leurs forces respectives pour trouver des solutions. Avec la prolongation des conflits, l'aide aux réfugiés nécessitera de plus en plus la coordination de l'aide humanitaire et de l'aide au développement.

Les informations ne font état que de conflits entre personnes de nationalités et d'idéologies différentes. Mais au-delà des combats, il y a des gens qui sont forcés de quitter leur maison. Imaginez ce que ce serait de ne plus pouvoir mener la vie que vous avez choisie et d'être séparé de votre famille et de vos amis. Bien que les réfugiés aient peu d'occasions de s'exprimer, force est de constater qu'ils aspirent fortement à ce que leur situation soit reconnue par le monde entier. Il nous appartient à tous de prendre conscience de cette réalité.

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