Guérir grâce à l'art : Apporter couleur et réconfort dans les hôpitaux des pays en développement
2025.10.22
L'artiste Kouno Lulu se consacre à l' « art hospitalier », réalisant des fresques murales dans les hôpitaux pour transformer ces environnements impersonnels. Ses œuvres vibrantes contribuent à atténuer l'anxiété et la douleur des patients, tout en créant un espace qui inspire un sentiment de fierté aux professionnels de santé. En collaboration avec Lulu, la JICA apporte réconfort et sérénité dans les hôpitaux des pays en développement.
Kouno Lulu se tient devant la fresque murale achevée dans le couloir de l'hôpital du district de Champasak, au Laos.
Avec des tons pastel et des lignes fluides, les fresques de Kouno Lulu regorgent de plantes, d'animaux et de scènes du monde naturel. Elles dégagent une chaleur et une vitalité qui illuminent l'espace et tous ceux qui s'y trouvent.
Lulu a commencé à créer des peintures murales en 2015, inspirée par un voyage autour du monde qui l'a conduite au Mexique. Elle a demandé au propriétaire d'une maison d'hôtes : « Pourrais-je loger chez vous gratuitement si je peins sur vos murs ? » et le propriétaire a accepté avec joie. Tous ont adoré quand elle a peint des légumes du marché local sur les murs de la cuisine. Cette expérience a éveillé sa passion pour la peinture et, à son retour au Japon, elle s'y est consacrée pleinement.
Poursuivant ses voyages en Asie et en Afrique, Lulu a peint des fresques dans des hôpitaux et des orphelinats dans le cadre d'actions caritatives. C'est au cours de ces voyages qu'elle a été témoin des dures réalités auxquelles sont confrontés les enfants souffrant de maladie et de pauvreté, souvent privés d'accès à une éducation adéquate.
Lorsque Lulu a organisé une campagne de financement participatif pour peindre des fresques murales dans cinq pays asiatiques, plus de 400 contributeurs ont répondu présent en un peu plus d'un mois, dépassant ainsi l'objectif fixé. Au Laos, cinquième pays de sa tournée, elle a réalisé une fresque dans un hôpital pédiatrique, et les médecins ravis ont partagé des photos de son œuvre sur les médias sociaux.
Ces publications ont attiré l'attention de Nagatani Shiori, du département Asie du Sud-Est et Pacifique de la JICA. Mme Nagatani a contacté Lulu et lui a demandé : « Aimeriez-vous retourner au Laos ? »
Depuis de nombreuses années, la JICA contribue à la mise en place d'installations médicales dans les pays en développement par le biais de projets d'aide publique au développement (APD). Cependant, faute de budget, ces projets d'APD aboutissent souvent à des installations dont l'architecture est impersonnelle et sans âme. Lors de la planification d'un nouvel hôpital au Laos, la JICA a identifié des défis tels que « la réticence des populations à se faire soigner même après la construction d'hôpitaux » et « l'épuisement du personnel médical ».
Mme Nagatani a déclaré : « Nous avions besoin d'une approche centrée sur l'humain qui touche le cœur des populations. »
L'intérieur de l'hôpital Setthathirath au Laos, où les signes de vétusté étaient clairement visibles.
Cette démarche a mis en lumière l'art hospitalier, qui a gagné en popularité dans les pays occidentaux. Un rapport publié par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2019 a également souligné l'impact positif de l'art sur la santé. Les œuvres d'art inspirées par la nature dans les salles d'attente et les chambres des patients contribuent non seulement à apaiser l'anxiété de ces derniers, mais aussi à stabiliser leur tension artérielle et leur respiration, à réduire la douleur et à renforcer le moral du personnel soignant.
Cependant, il existe peu de recherches similaires dans les pays en développement, ce qui représente un défi sans précédent pour la JICA. Dans un premier temps, il a été décidé de créer des fresques murales dans les hôpitaux existants au Laos. Mme Nagatani, qui avait travaillé au Laos en tant que sage-femme dans le cadre du programme des volontaires japonais pour la coopération à l'étranger, a confié à Lulu : « Le soutien financier et matériel est important, mais il est tout aussi vital de prendre soin des gens et de les encourager. Nous voulons créer des hôpitaux appréciés par la communauté locale et où cette dernière se sente en confiance. » Lulu a été profondément touchée par ce message.
C'est ainsi qu'a été lancé le projet de fresques murales de la JICA dans les hôpitaux, intitulé l’ « Initiative pour l'art du bien-être ».
Le projet cible le service de pédiatrie de l'hôpital Setthathirath, dans la capitale Vientiane, et le service de santé maternelle et infantile de l'hôpital du district de Champasak, dans la province du même nom. Ces deux établissements ont été construits avec le soutien de la JICA, et l'hôpital Setthathirath, bâti en 1999, est particulièrement vétuste. La création des fresques s'est déroulée sur environ deux semaines dans chaque établissement, à partir de début janvier 2025.
Lors de sa première visite, Lulu a été choquée par les conditions à l'intérieur des hôpitaux. Le nombre de lits était insuffisant et des femmes venant d'accoucher étaient allongées sur des brancards dans les couloirs. Des mères changeaient les couches de leurs bébés à même le sol en béton, où les familles des patients passaient également la nuit.
« L'hôpital ne fournit pas les repas, alors quand un enfant est hospitalisé, sa mère reste avec lui. Cela signifie qu'il n'y a plus personne pour s'occuper des tâches ménagères, alors toute la famille apporte des casseroles et des autocuiseurs de riz et reste sur place. Ce doit être vraiment épuisant », a observé Lulu.
Désireuse d'égayer l'hôpital avec ses peintures, Lulu s'est demandé ce qu'elle pourrait représenter. Qu'est-ce qui plaît aux gens ? Elle a commencé à discuter avec différentes personnes au sein de l'hôpital pour le découvrir.
La création de fresques murales à l'étranger exige une connaissance approfondie de la culture, des croyances et des valeurs locales, ainsi qu'une attention particulière aux formes et aux couleurs. En outre, il faut veiller à créer une atmosphère accueillante adaptée à un hôpital et à faciliter la circulation des patients. Un produit répulsif a été utilisé comme couche protectrice sur les peintures afin de prévenir la dengue, une maladie transmise par les moustiques.
Photo de gauche : Un jeune patient peint avec sa mère.
Photo du centre : Une fillette de 8 ans est revenue peindre à plusieurs reprises.
Photo de droite : Des soignants ont également peint pendant leurs pauses à l'hôpital Setthathirath.
La « cocréation » était l’un des principaux axes du projet. Lulu a encouragé les enfants hospitalisés, leurs familles, les infirmières, les médecins et les habitants intéressés en leur distribuant des pinceaux et en les invitant à participer. Même les enfants qui pleuraient après une transfusion sanguine ont rapidement retrouvé le sourire en recevant un pinceau. Le personnel de la JICA, dont Mme Nagatani, a également participé à la réalisation des peintures.
Les fresques murales achevées reprenaient les motifs emblématiques de Lulu, notamment la nature et les animaux, ainsi que des sites locaux inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO, des motifs de vêtements traditionnels et même une peinture de chatons nés à l'hôpital, pour le plus grand plaisir de tous. L'environnement hospitalier, autrefois impersonnel et froid, s'est transformé, et les commentaires étaient unanimes : « C'est magnifique » et « On ne se croirait plus dans un hôpital ». Un patient qui venait de subir une intervention chirurgicale a contemplé l'œuvre avec un sourire radieux. Un médecin a même déclaré fièrement : « J'ai peint cette partie ».
Photo de gauche : Un éléphant, animal familier pour les Laotiens
Photo du centre : Motifs de vêtements traditionnels féminins
Photo de droite : Une chatte et ses chatons nés à l'hôpital du district de Champasak, pendant la réalisation de la fresque murale dans l'établissement.
Quel impact la fresque de Lulu a-t-elle eu sur les patients, leurs familles et le personnel médical ? La JICA a posé la question à près de 80 personnes sur place.
Voici les réponses de parents d'enfants soignés à l'hôpital Setthathirath :
« Maintenant, où que je regarde dans la chambre, je n'ai plus d'appréhension. La dernière fois que je suis venu ici (avant que la fresque ne soit peinte), la simple vue des murs (nus) me donnait la chair de poule ; je devais détourner le regard. »
« La fresque rend les piqûres moins effrayantes et change l'humeur des enfants. Compter les animaux leur remonte le moral. »
Photo de gauche : L'espace devant la salle d'examen avant la réalisation des fresques
Photo de droite : L'espace devant la salle d'examen après l'achèvement des fresques à l'hôpital du district de Champasak
À l'hôpital du district de Champasak, les femmes enceintes, souvent angoissées par leur grossesse et leur accouchement, ont déclaré avoir l'impression d'être dans une rizière.
Lulu s'est demandé : « Pourquoi une rizière alors que je n'en ai pas peint ? » Mme Nagatani a expliqué : « De nombreuses personnes vivant dans les zones rurales du Laos mènent une vie paisible en cultivant la terre. Passer du temps dans une hutte près des rizières est pour elles un symbole de tranquillité quotidienne. Avoir l'impression d'être dans une rizière signifie probablement ressentir une paix profonde ». Pour Lulu, ce fut le plus beau des compliments.
En outre, de nombreux soignants ont confié ressentir une satisfaction et une motivation accrues au travail. Certains médecins et infirmières exprimaient auparavant leur stress face à la difficulté d'instaurer une relation de confiance avec les enfants qui n'aimaient pas les examens. Cependant, depuis la réalisation des fresques, les jeunes patients appréhendent moins les interventions telles que les piqûres, ce qui facilite la collecte d'informations médicales.
« Lorsqu'un enfant se met à pleurer, nous lui disons : "Ne pleure pas. Si tu pleures, les oiseaux de la fresque vont pleurer aussi", et il se calme », a raconté un membre du personnel médical.
« Les patients sont plus satisfaits et moins agressifs envers le personnel soignant. Nous nous sentons ainsi plus à l'aise, ce qui facilite notre travail », a ajouté un autre.
Photo de gauche : Le service de pédiatrie avant la réalisation des fresques
Photo de droite : Le service de pédiatrie après l'achèvement des fresques à l'hôpital Setthathirath
Lulu a déclaré : « La création de fresques murales m'a permis de découvrir différents pays et religions, et de voir le monde sous un angle plus serein ».
« Dans les hôpitaux, les gens sont confrontés quotidiennement à la maladie et à la mort. Si je peux transmettre ne serait-ce qu'un petit message de soutien à travers mes fresques, ce sera déjà beaucoup. J'espère également que, comme pour mes propres expériences, les petits défis spontanés relevés par les enfants qui peignent avec moi pourront les inspirer à aller de l'avant. »
Forte du succès rencontré au Laos, la JICA prévoit de collaborer avec Lulu pour créer des fresques murales en Tanzanie et en Angola au cours de l'exercice 2025. Apporter la paix et l'espoir dans le cœur des gens grâce à l'art et favoriser l'épanouissement émotionnel : cette nouvelle initiative recèle un grand potentiel.
Photo commémorative prise après l'achèvement des fresques à l'hôpital Setthathirath
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