Fujimoto Masaru
Édition de la version française : Jérôme Pace
(Des enfants ghanéens assistent à un cours organisé dans le cadre du projet « School for All » de la JICA /Photo : JICA)
Série : L’Afrique en ligne de mire
À l’occasion de la neuvième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 9), organisée du 20 au 22 août 2025 à Yokohama, au Japon, la JICA partage une série de récits explorant les défis et les promesses du continent africain. Une série dont l’objectif est de mettre en lumière la mission de la JICA, tout en rendant hommage aux efforts, idées et potentiels locaux. Ce sixième épisode met l’accent sur la manière dont la JICA utilise l’expérience historique unique du développement du Japon pour fournir des enseignements précieux et des outils pratiques au service du développement mondial – en particulier en Afrique –, tout en reconnaissant que toutes les leçons ne sont pas universellement applicables.
Le parcours de modernisation du Japon, amorcé avec la Restauration de Meiji à la fin du XIXᵉ siècle et poursuivi avec le boom économique de l’après-guerre, constitue souvent une source d’inspiration pour l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA). Celle-ci s’appuie sur cette histoire, consciente que l’évolution singulière de l’archipel, devenu la première nation non occidentale industrialisée, recèle d’enseignements précieux et de solutions potentielles pour qui souhaiterait relever les défis auxquels l’Afrique est confrontée aujourd’hui.
Le professeur Takahashi Motoki, de l’Université de Kyoto, spécialiste éminent du développement africain et co-auteur de African Economic Development (paru en janvier dernier), estime que beaucoup de réussites – et même d’échecs – du Japon « peuvent servir de référence et fournir des leçons » en matière de soutien économique à l’Afrique. Toutefois, il déconseille une application uniforme de l’expérience japonaise, soulignant que chaque pays du monde, et plus encore sur le continent africain, possède des caractéristiques propres, forgées par des contextes historiques et sociaux uniques.
L’enseignant décrit notamment la modernisation du Japon comme une réussite globale qui commence avec la Restauration de Meiji, durant laquelle une série de réformes, à la fin du XIXᵉ siècle, fit du Japon la première nation non occidentale industrialisée. Dans une même perspective, il rappelle qu’après la dévastation totale de la Seconde Guerre mondiale, le pays réussit à redevenir rapidement une puissance économique.
Cependant, le chercheur avertit à nouveau : les histoires du Japon et de l’Afrique sont très éloignées. « Nous devons abandonner l’idée que notre expérience du développement puisse être utile à n’importe quel pays. »
L’un des principaux défis de nombreux pays africains réside, en effet, dans la mise en place de systèmes financiers solides, en particulier dans la collecte des impôts. Une situation qui met en évidence le contraste frappant entre l’ensemble du continent et le Japon, où un système fiscal rigoureux a été instauré dès 645 apr. J.-C. avec la réforme de Taika – un ensemble de changements politiques et administratifs visant à renforcer l’autorité centrale de l’Empereur et qui permit de créer un système strict d’impôts sur le riz, le travail et les produits locaux, jetant ainsi les bases d’un cadre fiscal plusieurs siècles avant l’industrialisation moderne de la nation nippone.
À l’inverse, au Kenya, par exemple, dont les frontières furent tracées durant la colonisation en 1895 et l’indépendance acquise en 1963, le sentiment d’identité nationale est longtemps resté absent, compliquant encore aujourd’hui l’instauration d’une collecte fiscale efficace.
Ce problème est aggravé par l’importance du secteur informel. Au Kenya, 85 % des quelque 1,6 million de travailleurs du secteur manufacturier sont dans des structures non enregistrées, souvent de petite taille. Ces entreprises – allant de quelques salariés à des activités individuelles – échappent à l’enregistrement officiel, ce qui rend difficile la perception des impôts sur les sociétés et sur le revenu et entraîne des pénuries budgétaires. L’expérience japonaise, marquée par son système fiscal centralisé ancien et sa rigueur en matière de tenue de registres, illustre le rôle crucial d’une économie formalisée dans la construction nationale et la croissance industrielle. Cependant, ce modèle est difficile à reproduire pour de nombreux pays africains, car le Japon a mis des siècles à bâtir de tels cadres institutionnels.
Consciente de la réalité des choses, la JICA précise qu’elle ne cherche pas à imposer un « modèle japonais ». Bien au contraire : elle s’inspire plutôt de sa propre histoire et de son développement pour soutenir des solutions adaptées localement qui non seulement favorisent la formalisation et l’inclusion économiques, mais respectent également les contextes historiques, culturels et politiques propres à chaque pays.
Yoshizawa Kei, conseiller principal du département « Afrique » de la JICA, rappelle que, durant la modernisation du Japon, les pays occidentaux lui ont servi de modèles. Toutefois, plutôt que d’adopter passivement leurs technologies et idées, le Japon a cherché à les adapter et à les intégrer à son propre contexte culturel. Il explique que le principe d’autonomie, souvent qualifié d’approche « bootstraps » (se hisser par ses propres moyens), s’est forgé à travers cette expérience et a joué un rôle central dans la croissance rapide du Japon après-guerre. Cet esprit est depuis devenu une pierre angulaire de la philosophie japonaise de l’Aide publique au développement (APD).
Concrètement, précise l’employé de l’Agence, les projets d’APD nécessitent la participation active des pays partenaires, notamment à travers l’affectation de personnels locaux et le partage des coûts. L’objectif est de promouvoir un développement autonome, durable et à long terme, plutôt que de faire reposer l’intégralité de la charge sur le gouvernement japonais ou la JICA. Cette approche contraste fortement avec le modèle du « tout-en-un », souvent adopté par des bailleurs occidentaux, par exemple dans le domaine de la prévention des maladies, où l’aide consiste généralement à fournir et distribuer directement des médicaments et des vaccins afin d’obtenir des résultats rapides.
(Le professeur Takahashi Motoki, au premier rang, à droite, pose avec des étudiants assistant à son cours sur l’expérience japonaise de l’industrialisation moderne à l’Université d’Antananarivo à Madagascar/Photo : Takahashi Motoki)
Sagesse ancienne et ingéniosité moderne : l’adaptation sélective de l’ère Meiji
Si le Japon n’a jamais été colonisé comme la plupart des États africains au XIXᵉ siècle, le nouveau gouvernement de Meiji (1868-1912) nourrissait néanmoins un profond sentiment d’infériorité vis-à-vis des puissances occidentales. La mission Iwakura, une délégation gouvernementale d’observation qui parcourut les États-Unis et l’Europe de 1871 à 1873, fut frappée par l’avance technologique de l’Occident. En réaction, le Japon fit de l’importation d’expertises étrangères – dans des domaines tels que l’éducation, l’armée ou la médecine – un pilier central de ses efforts de modernisation.
Cependant, et c’est une leçon essentielle pour l’Afrique, le Japon choisit délibérément de ne pas importer les techniques occidentales de culture du riz, celles-ci n’étant pas nécessairement plus avancées que les siennes. L’archipel, souvent qualifié de « pays du riz », avait passé des siècles à perfectionner sa technologie agricole, en commençant par une remise en question de ses méthodes de production traditionnelles.
Takahashi Motoki considère que l’Afrique peut en tirer une leçon similaire : valoriser sa sagesse endogène au service du développement industriel. Il cite en exemple les produits de qualité – comme des canapés fabriqués à partir de matériaux de récupération – que l’on observe fréquemment dans les ateliers de rue au Kenya, preuves d’une ingéniosité locale. Il plaide pour la création d’un environnement où ce type de fabrication pourrait évoluer vers des entreprises de plus grande envergure, à l’image du mélange stratégique opéré par le Japon, combinant adoption des meilleures pratiques étrangères et valorisation de ses forces intrinsèques uniques.
Au-delà de la corruption : forger une loyauté nationale dans les États postcoloniaux
Takahashi Motoki remet en question le récit courant selon lequel la corruption serait la cause principale de la pauvreté en Afrique, évaluant qu’il s’agit d’une simplification excessive. Il rappelle que le Japon a lui aussi été confronté à de graves scandales de corruption, comme l’affaire Siemens en 1914 ou l’affaire Lockheed dans les années 1970, qui ont toutes deux déclenché de profondes crises politiques et suscité l’indignation publique. Ce qui distingue le Japon, suggère-t-il, c’est que ces incidents ont souvent été suivis de condamnations publiques plus fermes, soutenues par un cadre juridique robuste – héritage d’un système de gouvernance établi de longue date.
L’histoire relativement courte de nombreux États africains – la plupart ayant obtenu leur indépendance autour de 1960 – fait que les sociétés restent souvent centrées sur la famille ou les liens de parenté plutôt que sur une identité nationale élargie. Bien que cette situation évolue, le professeur note que même les fonctionnaires peuvent encore donner la priorité à la loyauté familiale ou clanique sur l’allégeance nationale, ce qui peut parfois limiter l’adhésion aux normes sociales. Cela contraste avec le Japon, dont l’identité nationale s’est forgée sur des siècles, notamment façonnée par l’éducation scolaire, une répartition équitable des ressources publiques, ainsi que, au cours du processus de modernisation, par des expériences collectives (dont des guerres) qui ont contribué à instaurer une loyauté commune, essentielle à un développement national intégré.
Domaines critiques pour le développement futur de l’Afrique
Takahashi Motoki identifie quatre domaines critiques pour le développement futur de l’Afrique, chacun présentant des liens implicites avec la trajectoire historique du Japon :
Les inégalités de genre : au-delà de la promotion des élites
Si certains pays africains affichent de bons résultats dans l’Indice de parité entre les sexes (GGI) du Forum économique mondial, avec la Namibie (8ᵉ), le Cap-Vert (30ᵉ), l’Afrique du Sud (33ᵉ), le Rwanda (39ᵉ), le Libéria (40ᵉ), le Burundi (44ᵉ), l’Eswatini (46ᵉ) et le Zimbabwe (49ᵉ) parmi les 50 premiers en 2025 (le Japon se classant 118ᵉ sur 146 pays), le tableau est différent si l’on considère l’Indice des inégalités de genre (GII) du Programme des Nations unies pour le développement. Dans le GII 2025, le Japon occupe la 22ᵉ place sur 193 pays. Les pays d’Afrique subsaharienne se situent plus bas : Cap-Vert (77ᵉ), Afrique du Sud (95ᵉ), Rwanda (99ᵉ), Namibie (116ᵉ) et Mozambique (120ᵉ).
Cet écart s’explique par l’approche différente des deux indices : le GGI met l’accent sur la promotion des femmes au sein des élites, à travers 14 indicateurs couvrant l’économie, l’éducation, la santé et la politique. En revanche, le GII évalue la situation du grand public à partir de cinq données : le taux de mortalité maternelle, le taux de natalité des mères de 10 à 19 ans, les taux d’achèvement du secondaire, la représentation parlementaire et la participation au marché du travail. Takahashi Motoki souligne que, malgré la présence de présidentes dans certains pays, l’Afrique reste confrontée à un taux élevé de mortalité maternelle, une réalité que le seul GGI ne reflète pas pleinement. De même, ajoute-t-il, le Japon devrait s’interroger sur son incapacité à accorder aux femmes issues des élites les positions qui leur reviennent dans la politique et les affaires.
Cela dit, s’il est vrai que la modernisation du Japon a d’abord cantonné les femmes à la sphère domestique, le développement d’après-guerre a progressivement favorisé leur participation croissante à l’éducation et au marché du travail. Une évolution sociale qui, s’inscrivant sur le long terme, illustre une volonté de parvenir à une nécessaire et véritable égalité de genre en allant au-delà de la seule représentation des élites.
Stagnation de l’industrie manufacturière : éviter les écueils de la malédiction des ressources à la japonaise
Toujours selon Takahashi Motoki, l’Afrique est confrontée au défi de la désindustrialisation prématurée, c’est-à-dire le passage vers les services sans avoir bâti une base industrielle solide. Cela se traduit par une prolifération de petites entreprises informelles et par une dépendance continue vis-à-vis des biens industriels importés de pays comme la Chine et l’Inde. Si la croissance rapide de la Chine depuis 2003 a été en partie alimentée par l’achat de ressources minérales africaines, cette manne en devises étrangères a paradoxalement accentué la « malédiction des ressources » en Afrique, où l’aliénation aux exportations de matières premières freine le développement d’une industrie domestique. L’enseignant affirme que, pour que les nations africaines se développent réellement, « l’agriculture et l’industrie doivent croître comme les deux roues d’un véhicule ; le seul secteur des services ne suffira pas ». Cela fait écho à la stratégie de croissance duale du Japon lors de son miracle économique d’après-guerre : l’industrie lourde s’est développée parallèlement aux améliorations agricoles, permettant de bâtir une économie diversifiée et robuste plutôt que de dépendre d’un seul secteur ou d’une seule ressource.
Population, terres et environnement : s’inspirer de la gestion japonaise de la rareté des ressources
Depuis l’« Année de l’Afrique » en 1960, marquée par les indépendances, la population du continent a presque été multipliée par six, atteignant environ 1,5 milliard de personnes en 2025. Cette croissance explosive, notamment des enfants, exerce une pression sur les ressources éducatives, entraînant notamment une pénurie de personnel, de salles de classe et d’équipements. En clair, la croissance démographique rapide a contribué à la dégradation de l’environnement : déforestation pour les terres agricoles et le bois de chauffage, ou encore surpâturage menant à la désertification. Pour relever ces défis, les gouvernements doivent d’urgence mettre en place des systèmes fiscaux efficaces afin de financer les politiques nécessaires, tout en bénéficiant de l’appui continu des pays développés. Le Japon, pays densément peuplé et pauvre en ressources, a historiquement affronté des pressions similaires sur ses terres et son environnement. Ces contraintes ont stimulé l’innovation en matière d’efficacité des ressources et d’agriculture durable (notamment grâce à la riziculture intensive) et, plus tard, l’élaboration de politiques environnementales avancées à travers un processus d’essais et d’erreurs. L’Afrique peut tirer parti de ces stratégies à long terme pour gérer des ressources limitées dans un contexte de forte pression démographique.
Divisions internes et conflits : le modèle d’unification de l’ère Meiji
Dans nombre de pays africains, la conscience nationale naissante reste souvent dominée par les logiques de prospérité familiale ou d’appartenance ethnique, ce qui alimente des systèmes politiques fragiles, des conflits armés récurrents et la corruption. Dans son ouvrage African Economic Development, Takahashi Motoki avance entre autres que les guerres civiles ne sont pas seulement des conflits ethniques, mais avant tout l’échec des systèmes politiques à résoudre pacifiquement les désaccords entre dirigeants, ceux-ci recourant alors à la violence. Le Japon, héritier d’un lourd passé féodal, a, pour sa part, connu un long processus d’unification nationale durant la Restauration de Meiji. Il a ainsi mis fin au factionnalisme régional au profit d’un État centralisé et d’une identité nationale cohérente. Parmi les mesures efficaces figuraient l’instauration d’un système équitable et méritocratique de recrutement des fonctionnaires, ainsi que le développement équitable des infrastructures de base comme les écoles, les services de santé et les routes. Cet exemple historique rappelle l’importance fondamentale d’une gouvernance juste, inclusive et robuste pour réduire les rivalités internes, prévenir les conflits et promouvoir un développement harmonieux.
Une approche japonaise unique du développement africain : partager des solutions pratiques
Consciente de la complexité de ces enjeux, la JICA a mis à profit l’expérience du Japon en matière de coopération au développement – y compris les leçons apprises en Asie – pour façonner une approche originale d’appui à l’Afrique. À l'occasion de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique de cette année (TICAD 9), la JICA a évalué plusieurs de ses projets menés lors des huit précédentes conférences.
Initiative émergente pour le riz : appliquer la maîtrise agricole du Japon
S’appuyant sur le savoir-faire séculaire du Japon en tant que « pays du riz » – un héritage profondément ancré dans son histoire et sa culture alimentaire –, la JICA a lancé en 2008 la « Coalition pour le développement de la riziculture en Afrique » (CARD) afin de renforcer la sécurité alimentaire et agricole face à des populations africaines en forte croissance. L’objectif ambitieux était de doubler la production rizicole en Afrique subsaharienne en dix ans. Bien qu’initialement sceptique, Yoshizawa Kei a vu la production de riz passer de 14 millions de tonnes en 2008 à 28 millions en 2018, soit un doublement effectif. Le projet, qui ne concernait au départ qu’une douzaine de pays, s’étend aujourd’hui à 32. Sa deuxième phase vise à doubler à nouveau la production d’ici 2030 pour atteindre 56 millions de tonnes. Au cœur de cette initiative se trouve le transfert du savoir-faire japonais en matière de riziculture, central dans la propre transformation agricole de l’archipel, afin de répondre aux besoins alimentaires croissants de l’Afrique.
(Yoshizawa Kei, conseiller principal de la JICA pour l’Afrique, explique qu’il était d’abord sceptique quant à la possibilité de doubler la production de riz en Afrique/Photo : Moritz Brinkhoff)
Améliorer la santé maternelle et infantile : un héritage de santé publique
Pour faire face aux taux de mortalité maternelle encore élevés à travers l’Afrique, la JICA promeut actuellement l’utilisation du carnet MCH (Maternal and Child Health Handbook ou « carnet de santé maternelle et infantile »), un outil emblématique du Japon. Conçu à l’époque d’après-guerre pour soutenir la reprise du pays grâce à l’amélioration de la santé publique, ce carnet constitue un moyen simple, mais efficace de suivre la santé des mères pendant la grossesse et de consigner la croissance de l’enfant, ses vaccinations et son historique médical après la naissance.
Parallèlement à sa diffusion, la JICA investit également dans la formation locale de sages-femmes afin de renforcer les soins de première ligne. Cette initiative reflète la conviction de longue date du Japon en des interventions de santé pratiques et communautaires – des mesures qui ont joué un rôle décisif dans la réduction de la mortalité infantile et l’amélioration des soins maternels dans l’archipel, tout en renforçant le capital humain – qui pourraient aujourd’hui produire les mêmes effets en Afrique.
(Des femmes au Ghana consultent leur carnet de santé maternelle et infantile tout en tenant leurs enfants/Photo : JICA)
Éducation : construire le capital humain à la japonaise
Dans le secteur de l’éducation, la JICA a donné la priorité à la formation des enseignants des sciences et des mathématiques, une force historique du Japon, en lançant dès 2008 des programmes dédiés aux professeurs de collèges et de lycées. Cette initiative s’inspire du recours de l’archipel à l’enseignement STEM (science, technologie, ingénierie, mathématiques) comme fondement de son essor industriel et technologique.
Pour offrir une éducation universelle et de qualité aux enfants africains, la JICA a également lancé le projet « École pour tous ». Cette initiative de gestion scolaire participative au niveau communautaire a permis d’établir environ 70 000 écoles dans neuf pays africains avec pour objectif de renforcer les compétences de base des enfants en lecture, écriture et calcul. Cette approche s’inspire de l’expérience du Japon pendant l’ère Meiji lorsque l’éducation universelle était considérée comme essentielle à la modernisation et à la croissance économique.
Kaizen : la philosophie japonaise de l’efficacité au service de la productivité mondiale
Le concept japonais de Kaizen, qui promeut l’amélioration continue des processus professionnels, a émergé lors de la croissance économique rapide du Japon dans les années 1960 et 1970. Fondé sur les principes « trier, ranger, nettoyer, standardiser et maintenir », le Kaizen vise à accroître la productivité, améliorer le contrôle de qualité et réduire les coûts.
Après avoir été adopté par Singapour dans les années 1980, puis par plusieurs autres pays asiatiques, le Kaizen a été introduit en Afrique par la JICA, à partir de l’Éthiopie à la fin des années 2000, dans le cadre de ce qui est devenu l’« Initiative Kaizen ». Selon la JICA, les résultats sont impressionnants : les entreprises ayant adopté cette approche ont vu leur productivité augmenter de 64 %, le nombre de produits défectueux diminuer d’environ 56 % et les coûts opérationnels baisser d’environ 20 %.
Ancré dans la transformation industrielle et les démarches d’efficacité du Japon d’après-guerre, le Kaizen constitue une philosophie de gestion pratique et adaptable toujours pertinente pour relever les défis de productivité dans les économies émergentes.
Soutien élargi et perspectives d’avenir : un chemin mutuel
Au-delà de ses principales initiatives, la JICA a mené un large éventail d’activités à travers l’Afrique. Au Rwanda, par exemple, l’agence a soutenu la reconstruction post-génocide en proposant des formations professionnelles, contribuant ainsi au développement rapide du pays souvent qualifié de « trajectoire africaine ».
De même, en République démocratique du Congo, la JICA a collaboré avec la mission de maintien de la paix de l’ONU pour former des policiers et a participé à la construction du pont Matadi, un pont suspendu de 722 mètres traversant le fleuve Congo, le deuxième plus grand cours d’eau d’Afrique. La construction a commencé en 1979 et le pont a été inauguré en 1983.
Au Soudan du Sud, enfin, la JICA a achevé en 2022 le Freedom Bridge, symbole de résilience après des années de conflits et de perturbations liées à la pandémie.
(Le pont Matadi traverse le fleuve Congo en République démocratique du Congo/Photo : JICA, Kuno Shinichi)
Takahashi Motoki insiste sur l’importance d’une compréhension réciproque dans les relations entre le Japon et l’Afrique, encourageant davantage de personnes des deux régions à mieux se connaître. Selon lui, cette conscience mutuelle renforce la sécurité du Japon lui-même. Il évoque, dans cette perspective, le soutien apporté à l’archipel après le grand tremblement de terre de l’est du pays en 2011 lorsque des équipes de secours ont été dépêchées depuis l’Afrique du Sud et que 31 pays africains ont offert une aide aux zones sinistrées.
La Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD), une initiative dirigée par le Japon, a permis la mise en place de nombreux programmes d’appui, contribuant à bâtir un partenariat solide entre le Japon et l’Afrique. Le professeur décrit la TICAD comme un « atout diplomatique du Japon », reflétant la manière dont le parcours historique unique du pays continue d’offrir des enseignements significatifs et des stratégies pratiques à travers l’Afrique et au-delà.
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