Du volontariat international au changement local : histoires de la campagne japonaise

Tanaka Chisato
Édition de la version française : Jérôme Pace

photo

(Maruyama Satoko pose pour une photo avec l’art kuru exposé au musée Koumi Kogen en 2025/Photo : Suzuki Kazufumi)

Série : L’Afrique en ligne de mire

À l’approche de la neuvième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 9), organisée du 20 au 22 août 2025 à Yokohama, au Japon, la JICA partage une série de récits explorant les défis et les promesses du continent africain. Une série dont l’objectif est de mettre en lumière la mission de la JICA, tout en rendant hommage aux efforts, idées et potentiels locaux. Ce douzième épisode porte sur le développement communautaire.

Après plus de dix ans passés à travailler à l’échelle internationale au sein de la JICA et d’autres organisations, Maruyama Satoko quitte la scène mondiale pour s’installer dans une petite ville rurale de la préfecture de Nagano, au Japon.

Un choix dicté non seulement par la beauté naturelle des lieux, mais également par le type de travail de terrain proposé et qu’elle a toujours apprécié : parler, écouter et travailler directement avec les habitants locaux pour résoudre leurs problèmes à la racine.

Sa passion pour cette approche pratique a commencé il y a plus de dix ans, lorsque, envoyée au Botswana dans le cadre du programme des Volontaires japonais à l’international (JOCV), elle est chargée d’aider la communauté indigène san à quitter ses terres ancestrales de chasse dans le désert du Kalahari. Une expérience dont la jeune femme a tiré des leçons qui continuent de guider sa vie.

Cette année marque le 60e anniversaire du programme JOCV. Depuis son lancement en 1965, ce programme a envoyé plus de 57 000 volontaires japonais dans 99 pays. Leurs missions couvrent l’agriculture, la sylviculture, la pêche, la santé, l’éducation et le commerce, les volontaires passant généralement deux ans à l’étranger. Beaucoup, comme Maruyama Satoko, reviennent avec des compétences et des connaissances qui influencent leur travail au Japon.

Au Botswana, le rôle de l’ancienne employée de la JICA en tant qu’agente de développement communautaire était d’aider les femmes de la communauté san à développer des compétences génératrices de revenus après leur réinstallation.

Une initiative importante a notamment été l’organisation d’ateliers d’artisanat. Or, au début, nombreuses sont les participantes qui, ayant vécu jusque-là comme des chasseurs-cueilleurs, démontraient peu d’intérêt pour ces derniers. Certaines arrivaient en retard, d’autres ne venaient pas du tout : pour ces femmes, habituées depuis longtemps à un mode de vie très différent, le concept même de gagner de l’argent était inconnu.

Plutôt que d’insister davantage, Maruyama Satoko a alors ajusté son approche en se concentrant sur celles qui portaient un réel intérêt au projet. L’élan s’est construit lentement, jusqu’à ce qu’une femme réussisse à générer un revenu grâce à la vente de ses créations.

« Leur expliquer les choses avec des mots n’était pas du tout convaincant, peu importe à quel point c’était rationnel ou correct », se souvient l’ex-volontaire. « J’ai appris qu’un bon exemple est ce qui attire vraiment les gens. »

photo

(Maruyama Satoko pose pour une photo avec ses collègues botswanaises en 2014/Photo : Nagayama Etsuko)

Miyamoto Keisuke, aujourd’hui fonctionnaire de la ville de Kanazawa, a vécu une expérience similaire en faisant du bénévolat au Kenya dans le cadre du même programme. Les enfants de son village passaient jusqu’à quatre heures par jour à collecter du bois de chauffage. Il a introduit un nouveau type de fourneau qui réduisait drastiquement la consommation de combustible, libérant ainsi du temps pour que les enfants puissent aller à l’école. Au début, personne ne croyait que cela fonctionnerait. Mais une fois la démonstration faite, les familles ont rapidement adopté cette innovation, réduisant de moitié la charge de travail des enfants.

« Au Kenya, les problèmes ne cessaient de s’enchaîner. Je me suis retrouvé à analyser, ajuster et réessayer – un plan B quand le plan A échouait, puis un plan C ensuite », explique l’ancien bénévole. « J’ai appris que la persévérance finit par payer, et cette leçon guide encore la façon dont j’aborde les défis en tant que fonctionnaire municipal. »

photo

(Miyamoto Keisuke pose pour une photo avec des enfants dans la ville de Kilifi, Kenya, octobre 2013/Photo : JICA)

Maruyama Satoko et Miyamoto Keisuke ont appris beaucoup de leurs expériences respectives à l’étranger. Pour la première, la leçon clé fut l’empathie : ce qui peut paraître inefficace ou peu pratique peut, en réalité, être profondément significatif ou nécessaire pour d’autres. Par exemple, certains stagiaires de la communauté san abandonnaient d’un coup leurs ateliers et ne revenaient pas avant plusieurs semaines. Ce n'est que plus tard que la jeune femme découvre qu'ils retournaient dans le désert pour être auprès de leurs familles : « Cela perturbait parfois notre flux de travail. Mais au fond, le projet visait à améliorer leur vie et leur bonheur, pas seulement à être efficace. »

Désormais basée à Koumi, une ville rurale de Nagano avec une population d'un peu plus de 4 000 habitants, elle applique, en tant que coopératrice locale en revitalisation, la même approche pour soutenir les 180 travailleurs et stagiaires techniques étrangers dont elle a la charge. Bien qu'ils représentent près de quatre pour cent de la population de la ville, nombreux sont les habitants qui ne les voient que rarement et ne savent pas comment – ni même s'ils doivent – créer un lien avec eux.

Maruyama Satoko mène des enquêtes pour comprendre leurs besoins, allant des cours de japonais aux soins de santé, en passant par l'éducation, la question de leur établissement à long terme ou encore l’accessibilité des transports locaux : « Leurs vies sont invisibles, car ils ne se déplacent qu'entre la maison et le travail. Nous devons d'abord comprendre leurs besoins. »

L’ancien employé de la JICA apporte également une partie de l'Afrique à Koumi. Cet hiver, elle organise une exposition de gravures d'art éclatantes réalisées par des artistes de la communauté san et connues sous le nom de « Kuru Art ». Largement reconnues en Europe, mais peu connues au Japon, ces œuvres seront exposées aux côtés de pièces d'artistes japonais handicapés – un groupe qui, à l'instar de celui des San, crée souvent en dehors des institutions artistiques traditionnelles.

L'exposition comprendra un échange culturel : des enfants du Botswana choisiront des œuvres d'artistes japonais, tandis que des résidents locaux de Nagano, y compris des étudiants de Koumi, sélectionneront leurs pièces préférées parmi les gravures d’art. Des bénévoles japonais travaillant actuellement au Botswana aideront à établir le lien entre les deux communautés.

Miyamoto Keisuke, quant à lui, a ramené l'esprit d'innovation qu'il a découvert en Afrique dans son rôle à la mairie de Kanazawa. Dans un environnement de travail où le précédent fait souvent loi, il s'est donné pour mission de promouvoir de nouvelles idées.

« Les gens passent leur temps à analyser ce que les autres ont fait, ou comment les choses ont été gérées dans le passé, et se contentent de le répéter », affirme-t-il. « Mais après le Kenya, j'ai cessé de penser à ce qui avait été fait auparavant. Maintenant, je me concentre uniquement sur la manière d'innover, d'essayer quelque chose de nouveau. »

Parmi ses initiatives, on compte la revitalisation d'un vieux programme d'échange international dans la préfecture d'Ishikawa, où des étudiants étrangers séjournent chez des familles d'accueil locales. L’homme a notamment mis en place des sessions de dialogue qui réunissent des étudiants universitaires japonais et des étudiants étrangers pour explorer les défis mondiaux et les ODD. Les familles d'accueil sont également invitées, ce qui encourage des conversations significatives et des liens plus profonds entre les cultures. L'idée est si populaire qu'elle est rapidement devenue un moment fort du programme d'échange.

Il a également transformé le festival de musique classique de la ville. Plutôt que de confiner les représentations aux salles de concert, Miyamoto Keisuke a suggéré de les organiser dans des lieux non conventionnels tels que des stades de football et des maisons de retraite. En adaptant chaque représentation à son public, il a ouvert la musique classique à des communautés plus larges et plus diverses.

Bien sûr, son désir de changement provoque parfois des frictions. Mais le fonctionnaire relève le défi : « Commencer quelque chose de nouveau dans un endroit où le changement est difficile – c'est là que je trouve du sens », dit-il, réfléchissant à la façon dont son expérience en Afrique a éveillé sa créativité et lui a donné le courage de prendre des risques.

Aujourd'hui, il préside l'association des anciens élèves du JOCV dans la préfecture d'Ishikawa, organisant des événements tels que des festivals culturels et encadrant de nouveaux bénévoles. Pour lui, ce réseau est à la fois une communauté pour la vie et un canal pour apporter des perspectives internationales dans la société japonaise.

« J'espère inspirer davantage de jeunes Japonais à se porter volontaires à l'étranger, à un moment où moins d'entre eux choisissent de voyager », conclut-il. « J'ai énormément grandi en tant que personne en échouant et en surmontant des défis en Afrique. Ces expériences durent pour toujours. »