l'Agence Japonaise de Coopération Internationale

  • 日本語
  • English
  • Francais
  • Espanol

RSS Feeds

Transcription de discours

7 avril 2016

Discours liminaire de l'événement public «Garantir le développement dans les zones en proie à l'insécurité»

Brookings Institution, Washington, États-Unis

C'est un grand plaisir et un grand honneur pour moi d'être ici aujourd'hui dans cette institution prestigieuse, d'autant qu'elle célèbre cette année son 100e anniversaire. Je suis venu fréquemment à Washington en tant que conférencier ou participant à de nombreux symposiums, consacrés essentiellement à des questions de sécurité. Au cours des trois dernières années, notamment, je suis venu souvent ici en qualité de président et vice-président de trois comités consultatifs auprès du premier ministre Abe, sur la sécurité et sur des questions historiques. Mais je ne sais pas pourquoi, je n'étais jamais venu à la Brookings. Je le regrette beaucoup, et j'avais vraiment hâte de venir ici, dans cette institution influente et respectée, pour discuter de la fragilité et de la sécurité dans le monde en qualité de président de l'Agence japonaise de coopération internationale.

Aujourd'hui, le développement et la sécurité sont indissociables. Nous devons renforcer la coopération entre ces deux domaines, et c'est sans doute pour cela que le premier ministre m'a nommé à ce poste. Bien sûr, le Japon est un acteur mondial, mais sa politique extérieure souffre de deux points faibles. Premier point, la politique sécuritaire du Japon n'est pas suffisamment autonome ; nous dépendons trop d'autres pays, dont les États-Unis. Le second point vient des critiques de nos voisins, la Chine et la Corée du Sud, sur des questions ayant trait à la perception de l'histoire.

Mais ces dernières années, nous avons progressé un peu sur ces deux points. En septembre 2015, le parlement a adopté les lois sur la sécurité, et le premier ministre s'est exprimé à l'occasion du 70e anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale. Il a fait une excellente déclaration, qui a été très bien accueillie par une grande partie de la communauté internationale. De même, vers la fin de l'année dernière, les gouvernements japonais et sud-coréen sont parvenus à un accord sur la question des «femmes de réconfort». Ainsi, les points faibles ont été corrigés, à défaut d'être entièrement résolus.

L'administration Abe a proposé que le Japon prenne davantage d'initiatives en matière de paix. En d'autres termes, le Japon devrait contribuer plus largement aux efforts en faveur de la stabilité et de la paix dans le monde, ce qui supposerait qu'il renforce le rôle des Forces d'autodéfense. Or, celui-ci est très limité. Ce rôle renforcé serait épaulé par la JICA, qui fournirait une aide aux pays concernés par des moyens non militaires. Je suis donc très heureux de pouvoir intervenir aujourd'hui en ma qualité de président de la JICA. Je souhaite parler des contributions à la paix et à la stabilité que la JICA a apportées et continuera d'apporter, surtout dans les zones touchées par les conflits.

Histoire de la coopération internationale du Japon

L'histoire du Japon moderne étant ma spécialité, j'aimerais commencer par vous présenter brièvement celle de la coopération internationale japonaise. Durant la deuxième guerre mondiale, le Japon s'est battu contre les États-Unis et bien d'autres pays, causant de terribles destructions et subissant également d'atroces souffrances avant de se rendre en 1945.

Fort heureusement, il a pu se relever rapidement avec l'aide de nombreux pays et organisations, et notamment des États-Unis. Tout d'abord, les programmes GARIOA et EROA – GARIOA pour «Government Assistance and Relief In Occupied Area» (aide et secours gouvernemental dans les zones occupées) et EROA pour «Economic Rehabilitation in Occupied Area Fund» (Fonds de réhabilitation économique dans les zones occupées) – ont fourni des sommes colossales au Japon. En l'espace de 6 ans, à compter de 1946, une aide s'élevant à 1,8 milliard de dollars a été versée, dont 1,3 milliard sous forme de dons et non de prêts. Il ne faut pas oublier cette donnée importante, et beaucoup de Japonais ne l'ont pas oubliée.

Du point de vue japonais, la coopération internationale du Japon a commencé avec le processus des réparations. Vers 1954, le Japon a engagé ce processus, tout d'abord envers la Birmanie. En même temps, il a rejoint le plan de Colombo. Ce plan n'est plus aussi célèbre qu'avant, mais il a été proposé en 1950. Le plan de Colombo était une organisation collaborative qui soutenait le développement économique de l'Asie et du Pacifique. C'est la première organisation internationale à avoir été mise sur pied pour aider les pays en développement au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Le Japon est devenu membre du plan de Colombo dès 1954, neuf ans seulement après sa reddition. Depuis lors, il a fait de sérieux efforts pour regagner la confiance de la communauté internationale en mettant en œuvre des réparations et en aidant les pays pauvres d'Asie.

La coopération internationale du Japon en Asie a contribué à stabiliser ces pays et à développer leur économie, à créer des emplois et à réduire la pauvreté. Pour être plus précis, elle a commencé en Asie du Sud, avant de se recentrer sur l'Asie du Sud-Est et l'Asie de l'Est, y compris du Nord-Est. Si beaucoup des pays concernés n'étaient pas spécialement démocratiques, ou étaient plutôt antidémocratiques, la plupart de leurs dirigeants étaient favorables au développement, en partie pour contrer la menace communiste. Ils ont essayé de se concentrer sur l'édification de la nation en développant l'industrie, en mettant en place des infrastructures et en renforçant leur système éducatif, autant de processus pour lesquels le Japon a fourni une aide importante.

Je ne dis pas que l'aide du Japon envers les pays d'Asie de l'Est a toujours été une réussite, mais je pense que, dans l'ensemble, elle a été très efficace. Vous connaissez cette phrase de l'Évangile selon Matthieu : «On connaît l'arbre par le fruit». Examinons maintenant la situation des pays d'Asie de l'Est. Nous avons oublié le fait que, dans les années 1950, ces pays avaient un niveau de vie à peu près équivalent à celui des pays subsahariens. Dans les années 1960, le PIB par habitant des pays d'Asie de l'Est était à peu près le même, autour de 500 dollars. Aujourd'hui, le PIB par habitant de ces pays s'élève à 8 000 dollars, et celui des pays subsahariens à 2 000 dollars. Le cas le plus remarquable est celui de la Corée du Sud. Le revenu par habitant de ce pays, qui était encore de 130 dollars en 1966, a atteint 28 000 dollars il y a deux ans. C'est pourquoi j'ai dit que l'on connaît l'arbre par le fruit, et que je qualifierais l'aide du Japon, dans son ensemble, de grande réussite.

Par la suite, en réponse aux appels lancés par la communauté internationale pour l'octroi de davantage de ressources à d'autres régions, le Japon a commencé à étendre son aide à d'autres parties du monde comme l'Asie du Sud, le Moyen-Orient, l'Afrique, l'Amérique latine et l'Asie centrale.

Sécurité humaine et objectifs de développement durable

Aujourd'hui, le Japon assure une aide importante dans le monde entier, et la JICA dispose de bureaux dans plus de 100 pays. Depuis la fin des années 1990, le Japon met l'accent sur la protection de la sécurité humaine, un principe de base de ses efforts d'aide. La coopération de la JICA s'appuie elle aussi sur ce principe. Après la fin de la guerre froide, notamment, beaucoup se sont retrouvés dans l'incapacité d'assurer la sécurité de leur population. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît que la communauté internationale doit veiller à la sécurité des individus, et pas uniquement à celle des nations. C'est pourquoi nous avons commencé à promouvoir ce concept de sécurité humaine.

Mais on voit bien que ce n'est pas une idée tout à fait nouvelle. On retrouve cette notion dans la Charte des Nations unies, par exemple. Dans le premier article, qui définit les buts de l'ONU, et dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, rédigée par Eleanor Roosevelt, on trouve un concept similaire : tous les êtres humains ont le droit de vivre dans la dignité, et tous doivent être traités sur un pied d'égalité. C'est également inscrit dans le préambule de la constitution japonaise, qui dit : «Nous reconnaissons à tous les peuples du monde le droit de vivre en paix, à l'abri de la peur et du besoin.» Je soutiens fortement ce passage de la constitution, même si j'émettrais des réserves sur d'autres parties.

Pour atteindre ces idéaux, nous ne devons pas nous focaliser uniquement sur la satisfaction des besoins essentiels, mais aller plus loin en aidant également tous les individus à vivre dans la dignité. Cette façon de voir s'inscrit depuis longtemps dans la logique de l'aide du Japon. Même si elle n'est pas toujours reconnue, l'expression explicite est apparue à la fin des années 1990 ; cependant, on retrouve trace de cette idée bien avant. Désormais, l'objectif principal est l'autonomisation des personnes. C'est un autre principe de l'aide du Japon. Nous sommes là pour appuyer cette évolution, et ce qui est en notre pouvoir est limité. Les principaux acteurs sont les citoyens de nos pays partenaires. Nous devons créer un partenariat, en respectant l'appropriation et l'autonomisation de ces citoyens : telle est notre politique de base.

Le concept de sécurité humaine, un peu ambigu, n'est pas clairement compris par nombre de pays des Nations unies. Récemment, en 2012, l'ONU a cependant adopté une résolution sur la définition de la sécurité humaine, affirmant que les êtres humains ont le droit de vivre libres et dans la dignité, à l'abri de la pauvreté et du désespoir. Comme vous pouvez le constater, les ODD ressemblent beaucoup à cette définition, et l'on peut dire qu'ils correspondent à une version avancée et élargie de la sécurité humaine.

Aujourd'hui, hélas, beaucoup de gens vivent dans un environnement instable et sont confrontés à d'énormes difficultés. Comme je l'ai dit, l'approche du Japon ne consiste pas à faire la charité, mais à permettre à ces individus de subvenir à leurs propres besoins. Par exemple, l'objectif numéro trois des ODD vise à leur donner les moyens de mener une vie saine et à promouvoir le bien-être de tous à tous les âges. Ces idées sont au cœur du concept de sécurité humaine.

Si les ODD se caractérisent par leur large portée et leur complexité, il nous semble que la santé devrait être l'un des objectifs prioritaires, car la vie est ce que chacun a de plus précieux. Concrètement, nous axons nos efforts sur la mise en œuvre de la couverture santé universelle. Le premier ministre Abe a rédigé un article pour la revue The Lancet sur l'importance de la santé publique. Nous avons organisé une grande conférence internationale sur ce thème en décembre dernier, puis une autre en février à Tokyo. Il importe de renforcer la résilience de l'économie et de la société dans son ensemble en mettant en place des systèmes de santé efficaces. Sur le plan sanitaire, prévenir est plus facile et moins coûteux que guérir. Nous devons donc accorder plus d'attention à l'instauration d'un système de qualité. Certains d'entre vous connaissent peut-être un de ces systèmes : il s'agit du carnet de santé maternelle et infantile. Ce document, créé à l'origine au Japon, est remis à chaque femme en début de grossesse ; y sont consignés tous les événements importants, dont la date et le poids de naissance de l'enfant, ainsi que les vaccins qu'il a reçus. Il est très important de tout noter, c'est essentiel pour la santé de l'enfant. Nous avons exporté ce carnet dans différents pays. Cela a contribué à réduire sensiblement la mortalité infantile. Différents pays, de la Thaïlande au Kenya, se sont associés à nous pour prendre en compte cet enjeu. La mise en place d'un système est primordiale. Nous devons lutter contre les virus Ebola ou Zika, et affronter beaucoup d'autres menaces. Mais d'un point de vue général, cela revient beaucoup moins cher de prévenir une maladie que de la prendre en charge une fois qu'elle s'est propagée.

Protection de la sécurité humaine et autonomisation : exemples concrets

La mission de la JICA consiste à assurer une aide qui soit la plus bénéfique possible aux pays partenaires en combinant prêts d'APD, aides sous forme de dons et activités de coopération technique. J'aimerais vous présenter deux cas intéressants : celui du Soudan du Sud et celui de Mindanao, aux Philippines.

Le Soudan du Sud est un tout nouveau pays qui a déclaré son indépendance en juillet 2011. Le Japon lui fournit une aide humanitaire, et y déploie des efforts importants en faveur de l'édification de la nation et de la promotion de la paix en envoyant des forces d'auto-défense dans le cadre des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Avant l'accession à l'indépendance, la JICA y était déjà engagée dans de nombreux secteurs. Nous avons contribué à améliorer les routes, les ponts et les infrastructures de base, à garantir un approvisionnement régulier en eau potable et à renforcer la sécurité alimentaire, et réalisé beaucoup d'autres projets. La JICA a également œuvré au renforcement des capacités locales. Par exemple, nous prêtons notre appui à l'Institut de formation en soins infirmiers et obstétrique de Djouba, la première école d'infirmiers et de sages-femmes diplômés d'État créée par le gouvernement sud-soudanais.

Je dois admettre qu'il y a des limites au rôle que peut jouer le développement dans l'instauration de la paix. Si des compromis politiques sont tout d'abord nécessaires, nous devons parallèlement apporter un soutien aux gens dans leur vie quotidienne.

J'aimerais vous présenter un exemple récent très intéressant. En janvier, nous avons soutenu l'organisation du premier tournoi sportif national au Soudan du Sud, baptisé «Jour d'unité nationale». Beaucoup d'athlètes se sont réunis à Djouba, dépassant leurs différences tribales pour participer à ces épreuves. Cet événement a connu un succès au-delà des espérances, et certains participants étaient émus aux larmes. Ils disaient n'avoir jamais osé espérer que ce jour viendrait. En fait, les Jeux olympiques de l'Antiquité relevaient de la même idée.

Le prochain exemple dont j'aimerais vous parler concerne l'île de Mindanao, où je me suis rendu le mois dernier. En 2014, l'administration Aquino a signé un accord de paix historique avec le Front Moro islamique de libération (MILF), désireux d'obtenir davantage d'autonomie par rapport au pouvoir central. Cet accord définit le processus politique devant conduire à la mise en place d'un nouveau gouvernement autonome, ce qui était prévu pour cet été. Hélas, ce processus a été suspendu en raison d'incidents et parce qu'il y a des élections dans le pays cette année. Si la formation d'un nouveau gouvernement autonome a été différée, nous appuyons ce processus depuis plus de 10 ans.

J'ai assisté récemment à la cérémonie d'inauguration d'une route reliant des exploitations agricoles sous influence moro aux marchés locaux, pour permettre aux producteurs d'acheminer leurs produits agricoles vers les points de vente. Je suis très fier et très satisfait de constater que ces efforts visant à renforcer l'autonomie des citoyens ont porté leurs fruits dans cette région. D'une certaine manière, la route reliant les fermes aux marchés locaux est ce que j'appellerais un «dividende de la paix perçu à l'avance». En dépit du statu quo politique, il est important de favoriser l'autonomie des citoyens dès les premières étapes du processus de réconciliation pour faire naître un climat d'espoir. Quand les gens sont capables d'imaginer un avenir meilleur, ils vont de l'avant et peuvent commencer à œuvrer en faveur d'une paix durable. J'espère que le prochain gouvernement philippin continuera à soutenir ce processus à Mindanao.

À côté de ces deux exemples, je voudrais aborder brièvement la crise syrienne et la menace de l'État islamique. La situation est épouvantable. Nous ne sommes pas en mesure d'intervenir militairement sur place, mais nous faisons de notre mieux pour soutenir les réfugiés. Le gouvernement irakien ayant repris des villes qui étaient aux mains de Daech, nous devons aider à rétablir des conditions de vie normales dans la région concernée, en intervenant au niveau des systèmes d'approvisionnement en eau, du logement, et dans d'autres domaines.

Nous faisons de notre mieux, ce qui me ramène au rôle de la JICA. Nous entretenions de très bonnes relations avec la Syrie avant la crise. Nous avons détaché beaucoup de jeunes volontaires dans ce pays. Notre programme d'envoi de jeunes volontaires a été créé dans les années 1960 sur le modèle du Corps de la paix (Peace Corps) aux États-Unis. J'ai rencontré récemment l'ambassadrice Caroline Kennedy à Tokyo ; elle a manifesté un grand intérêt pour une coopération entre les volontaires japonais et le Corps de la paix américain. C'est une excellente idée. Nous nous sommes promis d'organiser une visite commune du centre de formation au Japon en juin.

Réflexions sur l'avenir

Cette année 2016 est très importante pour le Japon et la JICA. Le Japon est membre non permanent du Conseil de sécurité depuis janvier. Nous allons participer au Sommet humanitaire mondial d'Istanbul en mai, et le Japon accueillera le sommet du G7 durant ce même mois. Par ailleurs, la Conférence internationale sur le développement de l'Afrique, la TICAD, se tiendra pour la première fois en Afrique, plus précisément à Nairobi, au Kenya, à la fin du mois d'août. D'une manière générale, le Japon est en mesure d'ouvrir la voie dans la lutte contre les défis d'aujourd'hui. Le Japon a ainsi l'opportunité de montrer qu'il joue un rôle plus important qu'avant dans la promotion de la paix et de la stabilité mondiales. La situation mondiale est bien sombre : le terrorisme et l'extrémisme prospèrent, et il y a un énorme fossé entre les riches et les pauvres. Cela étant, il ne faut pas oublier que nous avons marqué deux étapes importantes l'an dernier, en adoptant d'une part les objectifs de développement durable à New York en septembre, et d'autre part l'accord de Paris sur le changement climatique en décembre. L'année 2016 est la première qui fait suite à l'adoption de ces deux accords historiques. J'ai la conviction que le Japon a un rôle important à jouer pour faire en sorte que la coopération internationale produise des résultats concrets.

Merci infiniment.

Haut de page

Copyright © l'Agence Japonaise de Coopération Internationale